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INFOGRAPHIE – Le nouveau calcul des taxes bénéficie aux industriels. Certains en ont profité pour essayer de faire baisser le prix du paquet.

Le vote a eu lieu dans l’indifférence quasi générale. «Un vendredi», soupire un parlementaire. Le 5 décembre dernier, les députés ont voté (7 votants!) un amendement modifiant le calcul de la fiscalité des produits du tabac. Grâce à lui, et pour la première fois depuis cinq ans, les paquets de cigarettes n’ont pas augmenté de 30 centimes en janvier de cette année. Mieux, ce nouveau système de taxation va, selon nos informations, entraîner une baisse des rentrées fiscales d’au moins 70 millions d’euros en 2015. Un manque à gagner pour l’État, qui a été calculé dans un document de travail de l’Institut Gustave Roussy-Inserm, réalisé par la chercheuse Catherine Hill du service d’épidémiologie des cancers de l’institut.

Désormais, les cigarettes qui coûtent 6,50 euros les 20 vont être taxées à 64,7 %, au lieu de 65,4 %, et les cigarettes à 7 euros les 20 seront taxées à 63,6 %, au lieu de 64,3 %. Avec l’ancien système de calcul, la hausse des prix pratiqués par les cigarettiers en 2014 aurait dû se traduire mécaniquement au 1er janvier 2015 par une hausse des taxes de 14,4 centimes sur le paquet. Avec le nouvel amendement, la hausse des prix observée en 2014 n’a aucun impact sur les taxes en 2015. Grâce à ce nouveau mode de calcul, qui ne prend plus en compte le prix de vente de l’année précédente, l’industrie du tabac a tenté d’en profiter pour mettre sur le marché des cigarettes à 6,20 € les 20 à partir du 2 mars 2015.

«Avec le mécanisme antérieur, la Sécurité sociale perçoit une partie de la hausse du prix du tabac. Désormais, avec l’amendement, toute hausse profitera essentiellement aux cigarettiers», regretteValérie Rabault, députée PS du Tarn-et-Garonne. Si les fabricants décident d’augmenter les prix de vente, avec le système précédent, la Sécurité sociale perçoit une partie de cette hausse. Une hausse de 20 % fait passer le prix du paquet de cigarettes le plus cher de 7,2 à 8,64 euros. Avec le système précédent, cette hausse de 1,44 euro reviendrait pour 1,15 euro à la Sécurité sociale et pour 0,29 euro aux cigarettiers. Avec le système mis en place grâce à l’amendement, cette hausse de 1,44 d’euro revient pour 0,95 euro à la Sécurité sociale et pour 0,48 euro aux cigarettiers. Donc, le cigarettier récupère 19,5 centimes d’euros de plus par paquet par rapport au système antérieur.

L’amendement a été très contesté avant son adoption en décembre dernier : il a été rejeté en séance, lors du débat budgétaire sur le projet de loi de finances 2015, puis en commission des finances sur le projet de loi de finances rectificative pour 2014.

L’amendement litigieux a été soutenu par le secrétaire d’État au budget, Christian Eckert. Le 12 décembre dernier, il avait déclaré au Sénat: «Le mécanisme actuellement en vigueur conduirait à augmenter automatiquement le prix du paquet de cigarettes de 20 à 30 centimes. Le gouvernement veut plus de lisibilité. Il vous invite donc à fixer une fiscalité qui ne s’exprime plus en fonction des prix de l’année précédente. Le prix sera fixé en euros, pour mille cigarettes, au lieu du calcul actuel, auquel même un agrégé de mathématiques ne comprend pas grand-chose. Nous vous proposons de fixer strictement le même niveau de fiscalité en 2015 qu’en 2014.» Un cadeau d’abord destiné auxburalistes, mais qui bénéficie aussi au final aux cigarettiers.

Depuis vingt ans, les chercheurs, mais également l’Organisation mondiale de la santé et laBanque mondiale sont unanimes: la hausse du prix du tabac fait baisser sa consommation et agit positivement sur la santé publique. Le président de la République lui-même l’avait pourtant rappelé en février 2014 à l’occasion de son discours du 3e plan cancer: les hausses de prix du tabac restaient le premier levier de lutte contre le tabagisme. Pour preuve, en Corse, où les paquets coûtent en moyenne 25 % moins cher que sur le continent (5,25 euros pour les Marlboro contre 7 euros à Paris), l’agence régionale de santé de Corse observe que les décès par cancer du poumon sont 26 % plus importants (chiffres 2011-2012).

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