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Comment après 5 ans de sarkozysme retrouver le sens et la valeur du travail ? Comment, après ce détestable « travailler plus pour gagner plus » montrer que si le salaire doit bien être la juste contre-partie du travail, il n’en est pas la finalité, moins encore le seul objet ?

Cette formule a irrité, mais davantage encore parce qu’elle n’a pas été suivie d’une efficacité quelconque, se réduisant souvent à « travailler autant pour gagner moins », que parce qu’elle était l’expression profonde d’un monde qui n’a fait du travail qu’une source de profit. Pire encore, qui a fait du travail des uns une source de profit pour les autres. Dans les cours d’éducation civique que l’on a réintroduits à l’école, parle-t-on de la valeur de partage, de formation et de progression personnelle du travail ? Y a-t-il un professeur pour avoir osé démonter le slogan sarkozien et en faire percevoir l’a-moralité et la dangerosité ?

Mon domaine, dans l’équipe de François Hollande, aux côtés d’Alain Vidalies porte dans l’organigramme la dénomination de « souffrance au travail » et c’est pour moi une première interrogation que le mot tout de suite associé à « travail » soit « souffrance », même si bien évidemment notre objet est de renverser le paradigme qui a mené à cela.

Les facteurs de notre rapport au travail sont multiples et on peut les réunir dans l’expression, bien peu enjôlante, de « conditions de travail ». Si peu enjôlante, qu’elle fait partie sans doute des raisons qui ont fait que nous, la gauche, nous l’avons trop longtemps délaissée au profit du temps de travail. Cela me parait plus que jamais une faute. Parler du seul temps de travail a élargi l’écart entre les salariés et les non-salariés et à éloigné de nous nombre de « travailleurs », au premier rang desquels les artisans dans leur immense variété qui se sont sentis oubliés et dévalorisés.

Quels sont ces facteurs ? Je serais éminemment curieuse que chacun fasse « sa » liste. Les mots venant les premiers, la hiérarchie entre eux montrerait que nous ne souffrons pas tous des mêmes difficultés. Le travail est divers, diversement exercé, diversement mesuré, et nous n’avons pas sur lui la même prise. Ce point n’est d’ailleurs pas mineur : aucun travail ne doit être totalement subi et chacun doit pouvoir, pour lui-même, en améliorer et en moduler l’éxercice et la répartition dans son temps de vie.

Dialogue social, possibilité de s’exprimer et d’être entendu, sécurisation des parcours professionnels, évolution des carrières, prévention de la pénibilité (et pas seulement réparation), lieux et outils de travail, tant d’autres paramêtres qui font que, jour après jour, nous allons ou non au travail avec plaisir, que nous avons envie ou non, que nous pouvons ou non, y être à notre meilleur et y progresser.

Le domaine est éminemment transversal, complexe et il n’est pas évident de dégager des procédures que l’on puisse accepter et partager et qui ne soient pas que des contraintes pour les uns, susceptibles au contraire de tendre les relations de travail. Chacun, dans une nouvelle règle, dans un nouveau dispositif, devrait avoir à y gagner et pouvoir en comprendre la finalité.

Ceci étant posé, tout reste à faire. Et d’abord évaluer ce bien ou mal-être au travail, sans attendre les incroyables échecs que sont les suicides au travail, le stress, l’absentéïsme, les arrêts de travail pour dépression dont on sait qu’ils montent en flêche, et tout ce que l’on réunit sous le terme peu clair de « risques » ou « dommages psycho-sociaux ». Ces troubles sont aujourd’hui la maladie professionnelle dominante, non que les autres (ô combien !) aient disparues, mais elles sont mieux connues, mieux cernées et globalement mieux combattues.

Autre point : parvenir à démontrer que tout le monde à intérêt à cette meilleure qualité des conditions de vie au travail. Elles ont été bien souvent sacrifiées au nom de la productivité et de la performance et l’on ne s’aperçoit qu’aujourd’hui que la performance y a perdu. Il y a eu dans les hôpitaux une période -qui n’est pas finie- où une bonne part de notre activité a été engloutie dans la mise en place de règles et d’objectifs réunis sous la dénomination encourageante de « démarche qualité ». Des postes d’évaluateurs ont été crées là où il aurait beaucoup plus utile d’augmenter le nombre d’aides-soignantes pour que le travail soit mieux partagé et la disponibilité plus grande auprès des malades.

Voilà quelques éléments posés. J’aimerais parvenir à les développer en propositions, mais c’est d’abord un changement d’attitude de tous les acteurs et de l’ensemble des partenaires sociaux qu’il faut susciter. J’ai toujours essayé avec ceux qui étaient amenés à travailler avec moi de leur faire percevoir et partager que le travail est quelque chose que l’on peut aimer et qu’il ne faut jamais le décliner sur un mode négatif. Je m’aperçois chaque jour que c’est de plus en plus difficile.

Pourquoi ? Il est notre place dans la société, le mode le plus noble d’échange entre nous (je te soigne, je répare ta voiture, tu me fournis des fruits et des légumes, je refais ton toit…). Pourquoi, en plus de la raréfaction de l’emploi, ne savons-nous plus percevoir comme essentiel à notre équilibre le sens et la valeur du travail quotidien ?

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