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Peut-être suis-je un de ces rares enfants de ma génération qui n’a qu’exceptionnellement vu sa mère cuisiner et, en proportion, n’a goûté de ses plats. Plats tous résumés au « minimum minimorum » : l’omelette aux fines herbes, la soupe poireaux-pommes de terre …

Ces points de suspension sont des points d’interrogation. Y eût-il d’autres spécialités ? Oui, et une de mes favorites : les pommes de terre au four.

Une émission saisie au vol sur France-inter, évoquant la cuisine sepharade égyptienne et tout ce qu’elle véhicule de traditions, de vie passée, de monde oublié, m’a plongée dans cette abîme d’interrogations : que me reste -t- il de ce temps d’enfance où les goûts et les saveurs constituent les médias de la mémoire affective ?

Eh bien, il m’en reste quelque chose. D’assez éthéré, on en conviendra. Assez tôt, j’ai compris que ma mère, née en 1910 (un siècle tout juste), faisait partie d’une génération vectrice où la place des femmes était plus difficile encore qu’aujourd’hui à définir et à établir.

Elle ne fit pas la cuisine, ou si peu. D’abord, avant ma naissance, se contentant avec son mari d’un ordinaire assez spartiate. Ensuite, bénéficiant d’une aide qui lui permettait d’accomplir ce qu’elle seule pouvait faire.

Ecoutant dans le poste une écrivaine raconter la tradition que véhiculait la cuisine familiale, son désir de la transmettre à ses enfants et petits enfants, je me suis interrogée : cela m’a-t-il manqué ? En ai-je souffert ? Et une question plus importante encore : ma mère en a-t-elle souffert ?

La réponse me parait « non » aux trois questions. La première moitié du siècle passé a appris aux femmes et aux hommes qui n’étaient pas nés coiffés que nul ne pouvait tout avoir et qu’il fallait ordonner ses objectifs. Nul ne l’exprimait en ses termes, la nécessité seule l’imposait.

Ma mère devait accomplir les talents (au sens biblique de la parabole des cinq talents) qui lui avaient été donnés. Toute petite, la voyant se lever tôt, très tôt, comme dirait not’ Président, j’étais très fière d’elle. La cuisine comptait peu.

Aujourd’hui, elle compte : la parcimonie des souvenirs qui lui sont liés a autant de valeur que la profusion.

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