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Notre Première Secrétaire a sans doute beaucoup plus que deux qualités, mais elle en a deux qui nous sont chères : elle essaye d’élever le débat au niveau des Idées, avec un grand i, et elle fait référence à l’ouvrage de la Bordelaise Fabienne Brugère « le sexe de la sollicitude ».

Dans une récente tribune du Monde, Martine Aubry promeut « la société du « care » », ce qui est à mon avis très mal traduit par « la société du bien être », terme trop hédoniste pour être socialiste, trop aléatoire pour constituer un programme de gouvernement, et trop faible pour servir d’ambition à qui sent l’effort et le dépassement nécessaires à sa vie.

Le « care » anglo-saxon n’est d’ailleurs rien de cela : il signifie le « prendre soin ». « Take care of you » qui termine si joliment les lettres de personnes amies ou les conversations chaleureuses veut dire : « prenez-soin de vous » et je ne l’ai jamais entendu sans en avoir le coeur touché. Ce « care » peut, bien sûr, viser un autre objet que soi et le premier exemple est le « healthcare », la prise en compte de la santé qui constitue, si j’ose dire de laide façon, le coeur de mon job de médecin et d’élue.

Fabienne Brugère traduit cela de la plus élégante manière : la sollicitude et, comme moi, s’alarme autant qu’elle se réjouit, que le mot comme celles qui le pratiquent, soit essentiellement, désespérement, pratiquement, principalement, féminin.

Le « Reward » que je fais pour la première fois accéder au vocabulaire politique français (gloire soit à moi !) est plus fondamentalement politique. Je n’ai jamais su parfaitement le traduire : la réciprocité, l’échange, le partage.

Toute la grandeur du politique est de parvenir à faire comprendre cette nécessité, cette évidence de réciprocité. Aucun de nous ne se sauvera seul. L’argent public que l’on met ici, on ne pourra le mettre là. L’effort que l’on demande à l’un, on doit lui montrer qu’il se traduit par un bien, soit pour lui-même, soit pour un autre à l’égard duquel il est juste.

Le métier de Pierre est utile à Paul et permet à Paul d’éxercer le sien. Le métier de Paul est utile à Pierre, même si c’est par l’intermédiaire du fils de Jean ou du cousin de François.

Tout cela, c’est du « Reward ». J’ai cité plusieurs fois dans ce blog une phrase, idiote en apparence, de « La femme du boulanger » de Pagnol : « Tu me donnes de ta boulange, je t’apporterai de ma chasse ». Le vieil hobereau promet un gibier de sa chasse, quand il reçoit une fougasse de la main du boulanger.

J’ose à peine risquer le mot de « dépendance » , tant il est aujourd’hui déprécié : une personne dépendante est vue comme un infirme à la charge de la société, alors que, fondamentalement, c’est chacun de nous. L’interdépendance, la réciprocité, est notre condition fondamentale et il faut nous en réjouir.

Plus encore, il faut en prendre conscience. Etablir nos priorités, nos choix politiques, dans ce souci permanent, cette lucidité fraternelle.

La société du « care » est du domaine de l’individu. La société du « reward » est du domaine du politique et c’est d’abord d’elle dont je voudrais que nous soyons à la fois les promoteurs et l’incarnation.

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