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Après

Mais est-ce que Sarkozy ne se rend pas compte que chacune des mesures qu’il vient d’annoncer l’accuse ainsi que son Gouvernement et renforce nos questions ?

Le tueur est mort. Hommage aux hommes qui ont risqué leur vie des heures durant pour que ce criminel soit mis hors de possibilité de nuire. Nicolas Sarkozy, après quelques phrases très décentes, vient d’annoncer des mesures qui ne peuvent relever que d’un vote parlementaire ; mais plus encore qui -si elles sont appropriées- auraient dû être mises en oeuvre au début et non à la fin de son quinquennat.

Des mesures anti-terroristes qui ne font aussi qu’alourdir nos questions : pourquoi un homme, multi-récidiviste, connu pour deux voyages en Afghanistan dans les zones de formation des djihadistes, n’a-t-il pas vu seulement son domicile contrôlé pour savoir s’il détenait des armes ?

Pourquoi cet homme répondant aux critères de sanctions pénales annoncés aujourd’hui (consultation régulière des sites faisant l’apologie du terrorisme, voyages en zones de formation à ce mode de guerre) n’a-t-il pas au moins été soumis à des perquisitions et à des contrôles réguliers ?

Pourquoi, alors que nous savions notre pays en état d’alerte et sous la menace d’actions violentes ?

Une autre annonce choque encore plus gravement de la part de celui qui a engorgé les prisons jusqu’au record historique de 66 445 détenus et qui propose de construire 30 000 places supplémentaires: « Nos prisons ne doivent pas être le lieu de propagation d’idées subversives ». Mais tous les rapports sur la détention ne vont-ils pas dans le même sens ? La prison est en effet l’école de la récidive et le lieu électif de l’endoctrinement à toutes les formes de révolte. La question n’est-elle pas de diminuer le nombre de détenus au profit de peines alternatives ?

Et enfin, n’a-t-il pas oublié le plus grave peut-être des motifs de sanctions, pénales ou pas : la division permanente des Français, la désignation de boucs émissaires, l’utilisation de mots dont on sait qu’il peuvent servir de chiffons rouges, l’utilisation des peurs, voire des haines souterraines ?

Je me suis tue jusqu’à la clôture de ce drame. L’heure est aujourd’hui aux interrogations.

Et sans doute aux réponses.

Après Toulouse

« Nous voulons répondre à la haine par la proximité. Nous voulons répondre à la haine par la cohésion. Nous voulons montrer où nous en sommes. La France est un pays en deuil. Nous pensons à tous ceux qui sont en deuil, à tous ceux qui ont perdu un enfant, un proche.

Il y aura un avant et un après le 19 mars. Et après ce jour, Nous ne pourrons plus jamais nous permettre d’estimer que nos opinions, nos postures, nos paroles sont sans signification. (…) Nous devons être armés par cette conscience, pour défendre cette société libre et ouverte que nous aimons tant. (…)

Nous nous trouvons devant un choix. Nous ne pouvons pas faire revenir ce qui est perdu. Mais nous pouvons nous décider ce que cela signifiera pour notre société et pour chacun d’entre nous. Nous pouvons nous décider que désormais, plus que jamais, personne ne sera seul. Nous pouvons décider que nous vivrons véritablement, profondément ensemble. Nous pouvons décider que nos lois, nos choix, nos exigences ne seront pas modifiées

Chacun de nous a à prendre cette décision, personnellement, au profond de sa conscience. Vous, moi, ensemble, tous les jours, nous aurons à nous acquitter d’un devoir. Ce devoir, nous devrons l’accomplir lorsque nous serons ensemble pour dîner, chez nous, à la cantine, dans nos associations, hommes et femmes, à la campagne comme en ville.

Nous voulons une France dans laquelle nous vivions ensemble dans une communauté où nous avons la liberté d’avoir des opinions et de les exprimer. Où nous considérons chacune de nos différences comme une chance. Dans laquelle la liberté est plus forte que la peur¨.

J’ai changé la date, j’ai changé le nom du pays, rien d’autre. Voilà ce que j’aurais aimé entendre, ce que j’aurais voulu dire moi même, hier au sortir de la synagogue de Bordeaux, aujourd’hui place de la République.

Ces paroles, je les ai déjà citées. Elles sont celles du Prince héritier Haakon de Norvège au lendemain de l’abominable tuerie d’Oslo, perpétrée par ce criminel fou Anders Behring Breivik.

Relisons ses paroles et ayons conscience, plus que jamais dans ce temps d’élections présidentielles di devoir qui est le nôtre.

Algérie : le deuil impossible

Je n’en ai presque jamais parlé, jamais écrit si ce n’est à quelques amis algériens morts aujourd’hui, je n’y suis jamais allée avant et pendant la guerre, et pourtant l’Algérie fait partie des fils de trame qui ont tissé ma vie.

De près ou de loin. Dès l’enfance et longtemps après. Dès les premières années de la guerre, je connaissais le nom de toutes ses villes. Le téléphone sonnait, quelquefois la nuit, pour avertir mon père qu’un soldat du contingent né en Basses-Pyrénées (elles s’appelaient ainsi et nous habitions Pau) avait été tué à Biskra ou à Philippeville. Mon père à son tour prenait son téléphone..

D’autres souvenirs… J’ai suivi entre 54 et 62, la guerre d’Algérie pas à pas. Dix ans après, j’y suis partie à la fois sur les traces de Camus et sur celles de ses villes qui avaient changé de nom. J’y suis retournée à plusieurs reprises pour les mêmes raisons, j’y ai visité les caches des Moudhahidin dans les montagnes de Kabylie avec l’un d’entre eux, j’ai grimpé les escaliers qu’avait grimpé Camus à ses diverses adresses, je me suis abonnée aux journaux, j’ai beaucoup lu..

A Bordeaux, pendant ce temps, le Grand Parc qui allait recevoir de nombreux rapatriés et le pont d’Aquitaine se construisaient. Je suivais mon père sur ces chantiers dont il ressentait une grande fierté.

A Alger, les rues ont changé de nom. Mais je connais l’histoire de ceux dont elles portent aujourd’hui le nom, comment ils sont morts et, autant que faire se peut, qui ils étaient. Didouche Mourad, Amirouche et ceux, aussi, qui n’ont à ma connaissance pas de rue à leur nom, comme Krim Abdelkassem, le Kabyle.

Dans les journaux, apparait aujourd’hui la légendaire photo des négociateurs des accords d’Evian. Sans doute rien d’autre n’était possible mais la suite a montré qu’ils n’avaient réglé qu’une part de ce qui devait l’être, qu’ils étaient sans doute trop tardifs, que ce qui est venu après fait qu’aujourd’hui, de ce côté et de l’autre de la Méditerranée, personne n’en fait victoire.

J’étais presque de la génération des « appelés du contingent », en tout cas, tant de mes amis médecins « sont allés là bas », y ont passé quelques mois ou quelques années, dans l’atmosphère apparemment biblique de l’Oranie, dans les gorges des Aurès, dans les montagnes de Kabylie. Pendant des années, eux non plus n’ont rien dit. Comme le feront sans doute nos soldats de retour d’Afghanistan.

J’aime l’Algérie comme un parent qu’on a trop peu connu et qui a fait sa vie loin de vous. Aujourd’hui, l’immense majorité des Algériens n’était pas née dans la période de la guerre et tarde à s’en réjouir car la « liberté » n’a guère de sens si elle n’est accompagnée d’un avenir, d’une bonne vie, de l’espoir d’une meilleure encore.

Algérie. Le deuil impossible d’une enfance qui est déjà d’un autre temps.

Les Français ne sont pas un camembert que l’on découpe

Non, les Français ne sont pas des sections de camembert que l’on peint en couleurs différentes pour les distinguer, les diviser ou démontrer leur importance relative.

Les Français sont, comme la République elle-même : uns et indivisibles.

« Indivisibles » est pour autant une qualité fragile et, pendant 5 années, le Président de la République et son gouvernement ont fait leur possible pour le démontrer. Incapables de présider une France unie, ils ont usé et abusé de l’éternel précepte : « diviser pour règner ». Pas grandiose. Et la campagne électorale, avec sa succession de boucs émissaires, en montre aujourd’hui les fruits.

Il y a dans la constitution de notre pays une formulation ancienne qui interdit de définir des « sections de peuple ». Ces simples mots ont soulevé beaucoup de problèmes et imposé une révision constitutionnelle quand il s’est agi d’instituer la loi sur la parité. Il ne pouvait être question de favoriser une « section » entre hommes et femmes.

Au moment où cette constituion a été rédigée, les camemberts qui illustrent aujourd’hui le moindre exposé, le moindre article de fond, pour définir des groupes et donner à voir leur part respective, étaient d’un usage beaucoup plus réduit. A preuve que le vocabulaire peut s’actualiser sans le savoir : les Français ne sont pas davantage des sections de camembert que des sections de peuple.

Immigrés ou de souche, jeunes ou seniors, actifs ou chômeurs, la perméabilité est grande entre les groupes et l’unité supérieure à la division. Un exemple très concret : parmi les Français vivant sous le seuil de pauvreté, 80 % n’habitent pas dans les zones urbaines sensibles. Nous en avons la démonstration à Bordeaux : 25% de Bordelais sous le seuil de pauvreté et pas ou presque de zones urbaines sensibles (ZUS). De tous, il y a partout.

Le peuple est plus grand que les parts qui le composent. Un des enjeux majeurs d’une élection présidentielle devrait être de le lui rendre perceptible et de lui faire percevoir et partager son destin collectif.

C’est ce qu’Hollande exprime avec « le rêve français »; Je n’étais pas fanatique de la formule. « Rêve » signifie pour moi « ce qui n’est pas réalité » et le rêve français depuis des décennies et même des siècles existe bien et a mobilisé tant de nos parents et aïeux. Pour autant, je me suis ralliée : « rêve » beaucoup mieux qu’ « objectif » , « projet » ou « ambition », rend compte de la part d’espérance indispensable à la conception et à la construction d’un destin collectif.

Personne ne se sauvera seul. Ni ceux qui gagnent plus d’un million d’euros par an, ni les 10% qui possèdent 50 % du patrimoine de la France, ni aucun des autres. Les premiers ont le droit de concevoir, que dans une période de difficultés extrèmes, gagner en un an ce qu’un smicard obtiendrait en 2 vies, est indécent. Aux autres, il n’est pas interdit de comprendre que la réussite des uns peut constituer un moteur pour celle des autres.

Ce n’est pas un scoop : nous n’avons chacun qu’une seule vie et elle dépend bien davantage des autres que de nous mêmes. Maladie, épreuve professionnelle, simple accident de voiture, tout, chaque jour nous le rappelle.

Trop pourtant, nous le fait oublier et je crois que ce grand moment de la politique qu’est une campagne présidentielle est d’abord un rendez-vous avec ce destin collectif.

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel