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Pour une laïcité qui rassemble

Appartenant à une humanité fondamentalement « en ballotage » et à aucun peuple élu que ce soit,  je « crois »en une laïcité qui unit et, en aucun cas qui divise ni qui sépare.

Je crains que chaque mot ne doive être expliqué. C’est d’Albert Memmi, écrivain tunisien juif, que je tiens cette belle déclaration le concernant : « Peuple élu, peuple élu… Disons : en ballotage ». Je la reprends à mon compte  et au compte de quelques dizaines (centaines ?) de millions d’entre nous, probablement majoritaires dans nos pays occidentaux, mais trop tolérants pour être jamais violents ni représenter une force qu’il faille craindre. Je suis agnostique et pour le moins sans appartenance religieuse. Agnostique, c’est quoi, c’est qui ? Ce sont tant d’entre nous, peut-être au fond pas fondamentalement courageux mais plutôt honnêtes , qui savent surtout qu’ils ne savent pas. J’en fais partie.

Ce qui ne veut pas dire que je ne sais rien. Deux ou trois trucs quand même. Que la laïcité a pour essence la volonté d’offrir un terreau unique et fructueux à ceux qui croient au ciel (ou à ses environs) et à ceux qui n’y croient pas. Jaurès était de ses initiateurs. De plus obscurs aussi qui avaient fait l’expérience à l’époque de la loi de séparation des Eglises et de l’Etat, de la ségrégation voire de la violence, de ces deux, croyants, incroyants, ne serait-ce que pour occuper au début du siècle dernier un poste d’instituteur dans des terres comme la Vendée.

Je sais aussi que la spiritualité est consubstantielle à l’Homme. Et que les épreuves, personnelles ou universelles, nous y ramènent chaque jour. Disons, tout à fait entre nous, que la spiritualité politique demande un peu de hauteur pour être pleinement appréhendée comme telle et qu’il faut un effort de chaque instant pour en trouver la moindre graine dans nos médias. Quand mon quotidien favori, « le Monde »,  (le presque seul à m’apprendre quelque chose en plus du buzz du jour) titre à la Une :  « La laïcité  déchire la gauche », il n’apporte aucunement réponse à mon interrogation. J’oserais dire que là, lui aussi, qu’il se paye plus de mots que d’idées.

Une laïcité qui rassemble ? J’ai hésité avec le mot « qui réunit ». Celui-ci, plus que l’autre, suppose une division antérieure. Or cette division est fausse : les religions ne sont divisées que parce que nous le voulons, et les croyants divisés de ceux qui ne le sont pas que parce que nous l’acceptons. Si Dieu existe, il n’y en a qu’un. S’il n’existe pas, il n’y en pas. Dans les deux cas, pas de raison de se mettre sur la figure. Pas de raison d’exclure l’un pour vénérer l’autre. Elles  sont, comme les langues étrangères, des expressions différentes d’une aspiration, ou d’une réalité, commune. Et ceci sans aucune idée de ma part de syncrétisme ou de déisme. Chaque religion permet au croyant d’ici ou au croyant d’ailleurs d’habiter sa foi selon sa culture. Respectons-le, la laïcité est là pour affirmer notre liberté et, pour autant, notre unité.

Rien de tout cela ne veut dire que ce soit facile et que nous devions vivre dans un bisounours universel. Depuis un siècle, nous vivons dans une « disputatio » permanente, que les événements raniment et c’est le cas aujourd’hui. Les excès ou plutôt l’utilisation des religions comme des armes ou des outils politiques, ne nous facilite pas la tâche. Disputons, argumentons, tout cela est bien mais n’oublions jamais l’essentiel :

Un point essentiel dans l’évolution des religions, dans leur vitrine temporelle (ô combien variable avec le temps) est la situation des femmes. J’ai regretté et continue de le faire que le voile, et surtout le voile intégral, soit considéré comme un signe religieux. Il l’est mais sa « temporalité » ne doit pas le faire admettre ici et maintenant comme tel. Aucune trace dans le Coran, comme il n’y avait dans le nouveau ni l’ancien testament aucune trace de la couverture de la tête des femmes dans les églises catholiques. Tout cela est opportunité politique et la bataille sur les « signes ostentatoires » devait de ce point de vue être menée au nom de l’égalité entre les sexes. Une femme qui pour s’alimenter en public doit lever devant sa bouche la minuscule fenêtre d’un tchador n’est ni libre ni égale, et en cela, je rejoins Elisabeth Badinter et toutes celles qui se sont exprimées en ce sens. Nous devons expliquer et expliquer encore à ceux qui viennent d’autres cultures dans notre pays, ou s’y réfugient, que l’égalité entre hommes et femmes est pour nous une valeur cardinale, intangible, et qu’il faut oeuvrer en son sens, sans violence de part et d’autre mais au prix d’un pas chaque jour.

Le dialogue entre les religions (à Bordeaux, les interventions du recteur Tareq Oubrou que je cite seul parce que mes connaissances des autres religions sont plus larges que celles de l’Islam) m’a toujours apporté beaucoup. Les prises de parole publiques du Grand Rabbin de France m’ont toujours paru d’une haute élévation et de la certitude qu’une foi pouvait trouver toute sa hauteur dans un cadre républicain bien compris ; celles du Pape François m’aident à croire en l’humanité et dans le futur de la chrétienté capable de s’adapter au monde sans s’altérer. J’ai pris des notes à chaque expression de ce dialogue, j’ai réfléchi à beaucoup, ce qui n’est pas toujours ( ..) le cas pour les « dialogues inter-politiques » que les médias ou l’Assemblée nous servent. Devons-nous, au nom d’une laïcité mal comprise, restreindre ces échanges, ne pas y faire référence , ne pas les favoriser ? Je n’ai à leur encontre que l’absence habituelle d’une voix venant d’un athée ou d’un agnostique ayant approfondi le sujet et les textes qui soutiennent sa pensée.

Je n’appartiens à aucune « chapelle », ni religieuse, ni laïque, la laïcité m’est simplement une évidence. Je connais son visage multiple, différent d’un côté ou l’autre du Rhin mais aussi d’un côté ou l’autre de la rue et sans doute est-ce justement parce qu’elle nous est si importante que nous lui consacrons tant de temps et de mots. Une certitude pourtant : si la gauche, la droite ou le milieu se déchirent sur la laïcité c’est qu’ils n’ont pas perçu en elle sont rôle universel : unir, joindre, faire prendre à tous la mesure à la fois de sa faiblesse et de sa grandeur, c’est à dire de son égale condition.

 

 

 

« La laïcité, notre maison commune »

Ce sont les mots même du Ministre Bernard Cazeneuve le 25 février à Bordeaux. Détournant la formule que MickaÏl Gorbatchev avait utilisé au sujet de l’Europe, il donne ainsi la meilleure définition de la laïcité.

Bernard Cazeneuve a choisi Bordeaux pour annoncer et concrétiser son projet pour l’Islam de France. Bel hommage dont je l’ai remercié à l’histoire et à l’Esprit de notre ville, empreints de tolérance et de modération. Création d’une fondation consacrée à l’Islam de France pour financer les projets éducatifs, universitaires, sociaux et culturels que l’Islam inspire, création d’une instance de dialogue venant suppléer le Conseil français du Culte Musulman, et mise en place d’un diplôme universitaire civil et civique pour les imams de France.

Ce dernier point parait à la fois particulièrement bienvenu et respectueux de la laïcité. L’Etat n’a nullement à se mêler de l’enseignement théologique de quelque religion que ce soit mais a le devoir de s’assurer que les religieux exerçant sur son sol « disposent de connaissances précises sur les institutions, les règles de la laïcité, le fait religieux et les lois de la République ». Ce diplôme ne sera obligatoire que pour les imams exerçant en prison, mais je suis sûre que tous en comprendront l’intérêt.

Un après-midi très plein pour le Ministre. Outre son discours de présentation du projet à la Mosquée de Cenon où il a été accueilli par le Maire Alain David et la députée Conchita Lacuey, Bernard Cazeneuve a rencontré les associations régionales et été reçu dans la Mosquée des Menuts et dans la Mosquée El Houda où il a été reçu par le recteur Tareq Oubrou. Il a également rencontré pour une table ronde avec les acteurs de « Bordeaux partage »  en présence d’ Alain Juppé, Alain Anziani , Naima Charaï, Jacques Respaud et Matthieu Rouveyre.

Un pas très concret en direction de la concorde entre fidèles de toutes confessions, comme entre croyants et non croyants.

Toutes les photos de la visite officielle en cliquant ici.

 

Pour des cérémonies républicaines

Je crois en un sacré laïc, je crois en sa nécessité et en son pouvoir , et dans la force de ses instruments : la noblesse des lieux, le silence et le recueillement, la musique, la voix humaine et sa parole.

J’y crois parce que cette part de sacré est en chacun de nous, quelquefois même à notre insu, dans la stupéfaction qui nous saisit devant la beauté comme devant l’horreur, en tant de situations intérieures ou extérieures, dont disons-le, l’hôpital n’est pas chiche.

La petite cloche qui résonne chaque matin à 9 h dans la cour intérieure de l’hôpital Saint-André de Bordeaux, en est une sorte de quintessence : quelques instants d’un son modeste dans un décor de cloître où passent des brancards, des blouses blanches, des soignants qui arrivent ou qui partent.. De même « la petite fontaine » du cimetière de Milan, que je n’ai jamais entendue ailleurs que dans une nouvelle sublissime de Buzzati. Chacun a des preuves de ce sacré, qui lui sont personnelles. Regis Debray est de tous celui qui en parle le mieux.

Mais de loin, c’est la mort, l’instant de la mort, qui à la fois produit et exige ce sacré. La mort, cette « aventure horrible et sale » qui ne peut être rachetée ou pardonnée qu’à ce prix. J’écrivais ailleurs que nous ne sommes pas faits pour mourir seuls ; pas non plus pour disparaître au monde seuls.

Tant de personnes qui aujourd’hui choisissent, conformément à leur vie, de n’être pas accompagnées dans leur mort par ce que l’on appelle « les secours de la religion ». Expression un peu lâche mais si vraie, non tant pour le mort, mais pour ses proches.

Je suis désolée de la maigreur, de l’aridité de tant de ces adieux. Quelques personnes dans une salle dont toute forme d’art ou de beauté est exclue, quelques maigres paroles ou pas la moindre, parfois une musique distillée par un appareil d’un autre âge, plus proche d’un transistor des années 50 que du moindre appareil contemporain de qualité.

Ces morts, tous, ont traversé des épreuves, vécu des guerres, des périodes de crises, vaincu des maladies, affronté des séparations et des deuils mais aussi connu des succès, des jours de bonheur, des aventures qui ont changé le cours de leur vie, atteint des sommets, quelle que soit la hauteur de ces sommets. Ils partent sans hommage, quelquefois sans témoins de ces événements multiples qui font une existence.

Nous devons penser, rendre possibles des cérémonies républicaines, mettre à leur disposition des lieux nobles, dignes de ce que représente une vie qui finit. C’est dans cette perspective que j’ai proposé qu’à Bordeaux, le Temple désaffecté des Chartrons puisse avoir entre autres cette destination . Il ne faut jamais négliger le décor de la grandeur et de la spiritualité.

Il ne s’agit bien sûr que des funérailles, mais aussi des parrainages ou baptêmes républicains (de nouveaux nés, de grands enfants ou d’adultes), des mariages civils quand la Mairie de par sa petite taille ou au contraire du nombre des mariages ne suffit pas à les accueillir dans un temps et un local suffisant. Les cérémonies militaires, dans leur perfection et leur brièveté, portent par ailleurs très haut ce que peut atteindre une cérémonie républicaine, je les mets cependant à part de ce billet.

Je ne donnerai pas la recette de ce que peuvent être ces cérémonies républicaines : chacun doit apporter sa sensibilité à les construire. Il en existe déjà, en particulier dans les associations à caractère philosophique. Il en existe aussi d’informelles qu’une famille ou même un seul individu compose en l’honneur de la personne défunte. Mais la République se doit aujourd’hui de proposer un lieu, une trame et de leur donner un sens, celui de réunir et d’honorer chacun de ceux qui la composent.

* un pas dans ce sens a été fait dans la loi, mais il est bien peu mis en oeuvre : l’obligation pour les municipalités de mettre à disposition une salle permettant ces cérémonies

Rendre au Temple des Chartrons sa place dans le rayonnement de Bordeaux

Oublié depuis trente années, le Temple des Chartrons, bâtiment patrimonial de Bordeaux, doit retrouver toute sa place dans la vie culturelle et spirituelle de notre ville. Le projet présenté au Maire de Bordeaux se situe en parfait respect de la laïcité, laquelle sépare radicalement l’Etat des églises, mais réunit croyants et non croyants, laïcs et religieux de toutes confessions, dans une même liberté de conscience.

Proposition au Maire de Bordeaux

A l’occasion d’un entretien, Michèle DELAUNAY a proposé le 16 février au Maire de Bordeaux, actuel propriétaire des lieux de par son mandat, de rendre au Temple sa noblesse et son attractivité, en renouant avec sa vocation culturelle, spirituelle et sociale.

Après avoir consulté personnellement les responsables des différents cultes et reçu leur assentiment à cette proposition, Michèle DELAUNAY soumet le projet de faire évoluer le Temple des Chartrons en un lieu de spiritualité et de dialogue inter-religieux, dans le plein respect de la laïcité. Pour mémoire, on rappelle que le Maire est également propriétaire des églises de la ville et subvient en partie à leur entretien. On rappelle également que le temple est officiellement désaffecté.

1-Tout d’abord,  la nouvelle définition de ce lieu viendrait concrétiser et amplifier de manière éloquente la démarche de Bordeaux-Partages, qui est unanimement saluée et se situe en parfaite adéquation avec l’esprit de notre ville. L’existence d’un lieu de rencontre, d’échanges, de conférences, de débats, est vivement souhaitée par les acteurs de Bordeaux Partages.

La qualité des lieux, leur noblesse mais aussi leur volume permettront de leur donner une dimension culturelle et spirituelle internationale.

Fidèles et non croyants, laïcs et religieux pourront ainsi mieux se comprendre et progresser dans la connaissance de ce qui les rassemble et fait leurs particularités. Ceci constituera en outre pour les jeunes des « travaux pratiques » complétant l’enseignement du fait religieux dans les établissements scolaires

 

2-Une dimension supplémentaire, celle de lieu de célébration commun, situera Bordeaux à l’avant garde d’une laïcité de dialogue et de concorde. Il matérialiserait un rapprochement interreligieux respectant l’identité de chaque culte mais manifestant que toutes rejettent que l’on puisse tuer, condamner, agresser, injurier au nom d’un dieu.

On propose ainsi que, dans des circonstances particulières nécessitant un lieu empli de solennité et de noblesse où les différents responsables des cultes puissent célébrer ensemble, comme ils le font par exemple dans des cérémonies endeuillant des fidèles des diverses religions (ex : catastrophe de Sharm el-Sheikh).

Les événements douloureux que notre pays vient de traverser (assassinat de l’otage en Algérie, attentats contre l’école juive de Toulouse, contre l’Hyper Casher, contre Charlie Hebdo) ont été l’occasion dans notre ville, de marches interreligieuses et de réunions laïques de haute signification. L’absence d’un « lieu neutre » n’a cependant pas permis de célébration commune où chaque responsable religieux aurait pu conjointement et dans les formes des différents cultes manifester leur convergence dans le rejet de ces événements.

De telles célébrations communes auraient une forte signification pour l’ensemble des fidèles de ces diverses religions, quel que soit leur âge et leur origine.

 

3-Dans cette même perspective, le temple pourra être mis à disposition des familles de Bordelais ou de personnalités extérieures ayant émis le souhait d’une cérémonie républicaine strictement laïque et/ou multi-confessionnelle pour les accompagner à leur mort. Ce type de lieu manque cruellement dans l’ensemble du territoire de notre pays et répond pourtant à une attente fréquemment exprimée.

Bien évidemment, cette démarche ne se réduit pas à des circonstances difficiles ou douloureuses, elle peut être liée à des événements solennels à caractère républicain (conférences de hautes personnalités nationales et étrangères, parrainages républicains), particulièrement en direction de la paix.

Ces exemples et ces orientations constituent un schéma pour la réflexion que chaque culte, comme chacun des citoyens et des élus de notre ville, viendra poursuivre et partager.

La laïcité sépare radicalement l’Etat des Eglises, mais elle a plus que jamais, dans un temps où les religions sont utilisées comme des armes ou des instruments, la mission de rassembler l’ensemble des citoyens.

 

Histoire

Le temple a été construit entre 1832 et 1835 après la Révolution et l’obtention de la liberté de culte. Les fidèles sont alors nombreux et la possibilité de bénéficier d’un fonds de soutien du Gouvernement « afin de procurer de l’ouvrage à la classe ouvrière » emporte la décision de construire un Temple d’envergure, en remplacement de lieux de culte exigus. Le financement est cependant majoritairement privé, issu des « grandes familles protestantes » qui connaissent alors leur âge d’or.

Le temple est achevé et consacré en 1835. La baisse de fréquentation des fidèles, la moindre influence économique et politique des protestants bordelais, font émerger l’idée de s’en séparer. Le Temple est finalement vendu « dans la douleur » par ses propriétaires en 1985 à la Ville de Bordeaux et désaffecté.

Il sert actuellement de dépôt pour les costumes et les décors de l’ONBA, ce qui n’est bien sûr pas en rapport ni avec sa valeur patrimoniale, ni avec sa place dans l’histoire de la ville et dans celle du protestantisme français.

 

Situation

Situé au 10 de la rue Notre Dame dans le quartier des Chartrons et à quelques dizaines de mètres du Cours Xavier Arnozan et des demeures des familles patronymiques du protestantisme bordelais et de leurs anciens lieux de négoce, le Temple des Chartrons fait partie du patrimoine classé de la ville et bénéficie d’un emplacement à la fois central et remarquable. Son intérêt, y compris touristique, est évident.

Après 30 ans d’oubli et d’un usage qui n’est ni à la hauteur de son histoire ni de sa qualité architecturale et de son emplacement au cœur du quartier emblématique de Bordeaux, le Temple des Chartrons doit retrouver sa place dans l’Histoire et la vie bordelaise.

 

Courrier AJ – 16022015

 

Les cimetières, ou quand l’ignorance mène tout droit à la violence

La bêtise n’est pas mon fort mais quand à la bêtise, s’ajoute la déloyauté et la manipulation, la moutarde a une tendance fâcheuse à venir me gratter le nez.

Dans un échange sur twitter, où imprécations et anathèmes se disputaient la vedette, j’ai répondu à qui mettait en parallèle (si ce n’est en concurrence) cimetières juifs et cimetières catholiques « il n’y a pas de cimetières catholiques » , en précisant dans le tweet suivant « pas de cimetière dédié aux catholiques mais des cimetières ouverts à tous ». Que n’avais-je fait ? Une marée de micro-twittos, tous lourdement décorés de sigles FN, de fleurs de lys bleu-blanc-rouges (ce qui ne manque pas d’humour) ou d’autres décors témoignant d’une large ouverture d’esprit, me vouèrent aussitôt à quelque version intégriste des gémonies, dont eux seuls détenaient la clef.

Que n’avais-je fait, mais surtout qu’en est-il ?

Les cimetières sont aujourd’hui des biens communaux (=municipaux), comme le sont les églises. Des cimetières récents peuvent être à l’initiative et en propriété de communautés urbaines, mais il n’y a pas de cimetières catholiques, dévolus aux catholiques, comme cela peut-être le cas de cimetières juifs ou protestants.

La ville de Bordeaux est un parfait exemple de cette diversité : vaste cimetière communal de la Chartreuse dont le nom rappelle l’origine, 3 cimetières israélites correspondant à des origines diverses des communautés (portugaise, avignonnaise..), 1 cimetière protestant, construit avant la loi de 1905 par la communauté protestante.

Les derniers cités furent à l’origine privés (propriété des communautés), certains le demeurent. Le cimetière communal, où les sépultures chrétiennes (porteuses de croix) sont majoritaires, ne constitue pas pour autant un cimetière dévolu à l’une ou l’autre religion. Il accueille les défunts bordelais de toute confession ou absence de confession et il faut s’en réjouir. C’est ce que fait également la République et ce que pose comme principe intangible la laïcité.

Les cimetières paroissiaux, attenants aux églises, sont comme on le sait devenus propriétés des communes, à l’instar des églises elle-mêmes. Ils sont aujourd’hui des cimetières communaux ou municipaux. Bien souvent demeurent des décors (par exemple sur les ferronneries des portails) qui renseignent sur leur origine et je trouve également favorable que nul n’ait trouvé séant de les faire disparaître. La bêtise n’est pas non plus le fort de la République, qui est porteuse d’union et de liberté.

Mes contempteurs m’ont donc voué aux feux de l’enfer, en brandissant les images des multiples de croix habitant ces cimetières. Les cimetières militaires, dans leur immense et sobre beauté, ont fait office de preuve définitive. Il n’en est rien : sous ces croix, des soldats de toutes origines et confessions, de toutes langues et provenances,  unis dans le sacré de la mort. Je rappelle aux féroces twittos qui me poursuivent que le sacré non plus n’est la propriété d’aucune confession et qu’il existe un sacré laïc.

Le mot « profanation » que l’on utilise pour toute attestation à des tombes n’implique pas non plus l’atteinte à une religion, bien que cela soit souvent contenu dans l’acte. Lui aussi désigne d’abord l’atteinte au respect des morts et au caractère sacré, essentiel, de ce respect.

Il y a par ailleurs à Bordeaux, des « carrés musulmans » où sont réunies les tombes de fidèles de l’Islam s’ils le souhaitent. Ces « carrés » correspondent à une tolérance relativement à la loi de 1905, d’ailleurs tout à fait légitime puisqu’il existe des cimetières juifs et musulmans indépendants parce qu’antérieurs à 1905 et qu’heureusement personne n’a eu l’idée de condamner.

Le déchainement dont twitter a été le vecteur est d’abord basé sur l’ignorance. Combien n’ont pas la moindre idée de la différence entre « catholiques » et « chrétiens » ! Combien ont écrit que « à part, juif ou musulman, qu’y a t-il d’autre que « chrétien » ! On peut être terrassé de cette inculture du fait religieux : elle est, in fine, source de violence et nous en avons tous les jours la démonstration.

Beaucoup de twittos ont versé dans cet excès, me qualifiant de « cathophobe », de « voulant éradiquer les chrétiens » « au bénéficie des juifs et des musulmans »; ceci parce qu’étant « sectaire puisque socialiste », ou l’inverse, et dans tous les cas, « inculte », « démente », et dont on se débarrasserait bien vite avec tous ceux de mon espèce. Un conseiller national ump, dont on vantera le riche vocabulaire  m’a désignée comme « la conne du jour ». A cette aune, le Conseil national de l’ump ne doit pas manquer d’élévation. Le journal « Ouest France » s’est d’ailleurs fait l’écho de la position modérée du Conseiller.

« La bêtise n’a pas de limites mais elle a des degrés » a dit un jour Jacques Chirac. Les « grands cimetières sous la lune », eux, n’en ont pas fini de dénoncer la spirale qui mène de l’incurie à la guerre.

 

Suivi et Infogérance par Axeinformatique/Freepixel