L'ours impartial
le jeudi 7 janvier 2010 à 14h31
"Ours impartial", ce pourrait être le surnom d'un gentil scout ou d'un indien de la tribu de Jeronimo. C'est celui - avec bien d'autres - qui convient à Philippe Seguin que nous sommes nombreux à regretter aujourd'hui.
Il venait souvent à l'Assemblée, en face de la commission des affaires sociales dont je fais partie, présenter les rapports ou les analyses de la Cour des Comptes à laquelle il avait donné un visage (et quel visage !) et une voix (et quelle voix !). Lors d'une de ses dernières visites - il s'agissait de l'analyse de l'impact budgétaire des réformettes du système de santé des gouvernements successifs de la droite sur les comptes de la sécurité sociale -, le verdict, son verdict, était accablant mais bien sûr exprimé avec cette retenue bienséante qui fait partie des attributs de la Cour. Philippe Séguin y ajoutait son éloquence très charnelle, sa voix et son coffre de baryton et son humour très fin, témoin de sa pétillante intelligence.
A ces occasions, nous avons plusieurs fois eu l'occasion d' "échanger", comme on dit maintenant. La dernière donc, je l'ai interrogé sur l'étrange raison qui ferme les comptes des établissements privés de santé aux regards de la Cour. Etrange, puisqu'il s'agit de financement public et donc, légitimement, de contrôle public.
Sa réponse avait été, à la fois si fine et si passionnée, que j'ai compris qu'elle signifiait qu'il serait bien content qu'un(e) député(e) se charge de ce combat. Et j'ai commencé à interpeller le gouvernement, avec la ferme intention de ne pas lâcher prise.
Las, c'est lui qui a lâché, et la vie, et un poste où il sera difficilement remplaçable. Dans cette République sans exemplarité et sans courage, qui aura la stature d'exercer et d'exprimer un contrôle impartial sur le budget et les dépenses de l'Etat ?

Commentaires
Merci, Michèle, pour ce billet sensible et juste. On sent que vous auriez pu tout aussi bien l'écrire hier, c'est-à-dire qu'il n'est pas de circonstance. Je me permets de remettre ci-dessous le commentaire que j'ai posté ce matin sous votre précédent billet :
Grande tristesse à la nouvelle de la mort de Philippe Séguin. Nous perdons un président gaullien de la Cour des comptes, sans doute le plus grand depuis longtemps, fin, lettré, garant de l'indépendance de l'institution. A La Brède, en octobre, il avait clôturé par une noble intervention "les entretiens de la liberté" de Sciences Po Bordeaux, sur un thème dont son oeil disait qu'il l'inspirait au-delà d'un propos contenu par l'obligation de réserve : "Que faut-il attendre du politique ?" On est sûr aujourd'hui qu'il n'en attend plus rien.
Par qui Sarkozy va-t-il maintenant nous le remplacer ? Et s'il pensait à Eric Besson ?... Mais Rachida doit déjà avoir laissé un SMS depuis Strasbourg ou Bruxelles (les micros ne captent pas les SMS). La rue Cambon n'est pas la place Vendôme, mais bon...
Coincidence troublante: retraité des Htes Pyrénées un peu désoeuvré par ces temps froids et nouvel internaute, je découvrais ces jours ci les rapports en ligne de la Cour des Comptes. Beau travail où sous la remarque austère perce parfois une belle ironie (par exemple sur les voyages privés du Président, ou ses frais de bouche)!
Que tout cela continue!
Certification des comptes de l'Etat 2008 sous 12 réserves dont 9 substantielles, bravant l'arrogance des seigneurs de Bercy!
On découvre aussi que le Trésor place des milliards disponibilités sur le marché interbancaire, alors avait il besoin que ce système s'effrondre à l'automne 2008.
Merçi Philippe! Qui va lui succéder?
@ monsieur Bitur
1. Vous avez parfaitement raison, il sera remplacé. Par quelqu'un(e) de docile, se mêlant gentiment de ce qui le regarde ;
2. Las, on n'écrit pas "d'accent d'accent grave" ! Je vous rappelle le proverbe : qui grimpe aux arbres doit s'assurer qu'il a le derrière propre. Vous êtes lassant grave !
Encore un contre-pouvoir à la sarkozie qui s'en va. Certes il était de droite, volonté de fermeture des cours des comptes régionales, mais il était intègre. C'est du moins ce que tout le monde politique laisse sous entendre. On va avoir du mal à en trouver un autre de ce calibre en sarkozie...
Et nous pendant ce temps à gauche on se farcit le retour de Jospin:
http://bit.ly/5N3KhF
On n'est vraiment pas gâté à gauche...
ça n'a pas grand chose à voir avec "ours impartial"... encore que...
C'est plutot l'histoire de l'herbe folle entre les pavés, de ce qui fait lien comme les petites attentions portées les uns aux autres ... Je vous fais un petit signe amical pour demain, bon an!
Adieu Monsieur Séguin.
Dans un récent billet, vous aviez évoqué Albert Camus comme ami et lieu de ressourcement. En vous lisant aujourd'hui - citoyen non engagé dans un parti, et le coeur lourd quand même -, le sillon de ces deux personnalités m'interroge : même disparition précoce - et certainement héroïque - du père au combat, même attachement aux deux rives de cette Méditerannée, même passion pour le football, et même courage solitaire dans l'expression de ses convictions. Merci de ces quelques mots Michèle, j'espère que le souvenir de Philippe Séguin, et les temps de collégialité que vous nous faites découvrir, vous remotiveront toujours.
J'ai aussi le coeur lourd car, en face du miroir de ces disparitions brutales, les profils de Nicolas Sarkosy et Jean-François Copé me font penser à des Formule 1 de la politique et de la communication. Est-ce une fatalité ?
Vite ! vite ! Il ne me reste qu'une demi-heure ! Je profite de ce 8 janvier pour franchir le pas et vous adresser mon premier message ... pour vous souhaiter un très bon anniversaire, Michèle ! et vous dire le plaisir que j'ai à déguster chacun de vos billets ... petite récompense que je m'offre, chaque soir, avant d'éteindre mon ordi.
N.B. : Ma date d'anniversaire, comme la vôtre est liée à un évènement de la vie de François Mitterrand.
Le 10 mai 81, je fêtais mes 28 ans et, dans l'euphorie de la victoire, j'ai passé la nuit devant mon écran de télévision ...
Le 8 janvier 96, j'ai regardé la télé avec beaucoup d'émotion aussi, mais avec beaucoup de tristesse ...
Je suis deçu Michèle que vous nombreux amis de ce blog ne vous aient pas souhaité un joyeux anniversaire.
Seule Sissi en a eu l'idée, presque à l'heure limite. Lorsqu'on est ami avec quelqu'un on ne peut pas oublier sa date d'anniversaire. C'est à se demander si ce sont de vrais amis ou un peu comme sur facebook, des amis juste comme ça... des relations internet en réalité.
Tiens, au passage, moi qui ne suis pas votre ami (intime), j'y ai pensé dès ce matin à votre anniversaire et c'est volontairement que je n'ai pas mis de commentaire pour tester la qualité de vos amis.
Du coup, j'ai l'impression de faire partie de vos meilleurs amis.
@ Nordine
"ami", au PS, a un sens bien particulier.
PSeudo, expliquez-nous le sens socialiste du mot "ami".
Nous risquons d'avoir des surprises...
Je signale à ceux que cela pourrait intéresser que mon époux rend hommage aujourd'hui sur son blog au grand disparu :
http://www.alain-youpi.blogspot.com...
@ N de R
Cette question est posée avec l'hypocrisie habituelle des trolls de la droite qui se croient habilités de donner des leçons où vraiment ils devraient se taire car cela leur saute à la figure par ricochet. Quelle définition de l'"ami" croient ils en effet pouvoir donner aux "amis" Balladur/Chirac, Chirac/ Chaban, Juppé /Sarkozy, Sarkozy/Chirac, Sarkozy/Villepin, Copé/Bertrand, etc etc. ?