De l'UNESCO, de la géographie et de la courbe du fleuve.
le vendredi 26 juin 2009 à 18h45 - Journal
La semaine passée, j'écrivais à Francesco Bandarin, directeur de l'Unesco en charge du classement au patrimoine mondial : "Je ne regarde jamais la courbe du fleuve, sans penser que la manière dont le verront nos enfants est entre vos mains".
Le courrier au demeurant concernait principalement les vestiges de la place Pey Berlan que la Municipalité veut engloutir à tout jamais sous le ciment et le grès de Chine de la place. Ces vestiges sont très émouvants. Ils datent du temps d'Aliénor et les ensevelir est en contradiction totale avec la démarche active que suppose le classement Unesco.
Dans une heure d'entretien où nous avons échangé très librement il y a quelques mois, Francesco Bandarin avait insisté sur le sens profond du classement au patrimoine mondial : il ne s'agit pas de vénérer quelques belles pierres, mais de s'engager activement dans une démarche de fidélité à l'histoire et à la géographie des lieux.
Le fleuve qui associe histoire et avenir, patrimoine et développement durable, n'est-il pas le meilleur porteur de cet engagement ?
Ayant reçu quotidiennement des informations sur la réunion à Séville de la mission UNESCO, je ne suis pas sûre que ses conclusions correspondent à mes voeux. Mais ces voeux demeurent les mêmes : voir au delà du court, et même du moyen terme, et comprendre que "Bord'eaux" tient sa gloire et son avenir d'abord de son fleuve, de son estuaire, de cette position incroyable, unique en Europe de voir le domaine maritime s'arrêter en coeur de ville.
Très exactement : sous le pont de pierre. Bordelais de l'aval du pont de pierre, vous êtes des habitants du bord de mer !
Quelqu'un qui m'est infiniment cher disait : "la géographie prime toujours sur l'histoire". Il voulait dire : pas de gloire, pas de développement, pas d'économie, pas d'Histoire, au mépris des atouts que donne à une ville, à un lieu, à un pays, la géographie.
Bordeaux est, de ce précepte, un lumineux exemple.
Le regard que porteront les générations futures sur l'arc du fleuve sera lourdement impacté (comme ont dit maintenant) par le choix du mode de franchissement Bacalan-Bastide.
Grand monument blanc, levant (de temps en temps) son tablier de béton et plantant pour des siècles les longs cure-dents de ses piles sur les rives ? Petit pont rétréci, levant ni plus ni moins souvent, mais épargnant à la ville un peu de CO2 ? Ou tunnel futuriste, préservant cet inestimable patrimoine qu'est le paysage, et cette autre richesse qu'est la possibilité de circulation fluvio-maritime pour la société de demain ?
La présentation des options n'a rien de purement objectif. Elle est ma vision de l'écologie et du développement durable de notre ville.






Commentaires
On n'écrit pas "prime sur l'histoire" mais "prime l'histoire"
Je ne sais pas si on dit "prime sur l'histoire" ou "prime l'histoire
mais habitant une toute autre région de France, je me dis vraiment
que ce serait un dommage irréparable pour cette ville qu'est
Bordeaux de ne pas tenir compte de ses atouts et atours singuliers
que lui a donnés la géographie des lieux.
Les Bordelais sont-ils les derniers à s'en rendre compte ? Je n'ose
le croire.
@ PURISTE
Les deux sont bons, mon puriste!
Nota bene: avant de corriger, vérifier!!
(source: Trésor de la Langue française, 16 vol.)
@ Pas puriste: soit, c'est ok, mais cela arrive dans l'urgence. Voir des billets plus anciens...
à puriste et pas puriste. Pour "primer" et pour la langue en général, le TLF fait foi. Il donne les deux acceptions, ayons la modestie de l'entendre. La langue n'est pas un corset et elle appartient à qui en fait usage avec suffisamment de maîtrise pour pouvoir y introduire sa part de mobilité.
De toutes manières, il s'agissait là d'une citation que j'ai donnée telle que je l'ai entendue et apprise.
Pour Pey Berland, je plaide coupable. J'ai mis en ligne ce billet dans ma voiture et en hâte.
Merci d'être si vigilants. C'est très bon signe. Les peuples qui se soucient de grammaire ont une éthique.
Malgré tout, le pont Bacalan Bastide et les vestiges de Saint André me paraissent aussi des sujets d'importance.
Le site d'une ville est l'oeuvre de Dieu. Son histoire est celle des hommes.
Ce constat n'est pas une appréciation d'ordre hiérarchique: c'est la simple mise en évidence d'une vérité première, presque une lapalissade. Et Michele a eu raison d'évoquer ce sujet (plus qu'à propos!) au moment même, où, à SEVILLE les instances de l'UNESCO discutent de la validité du maintien de la classification en 2007 de BORDEAUX au patrimoine de l'humanité. Cela après un an d'une gestion fautive, aggravée par l'éclosion d'un projet plus que douteux aux yeux de beaucoup.
Avant tout commentaire, il y a lieu de se référer aux attendus de ce classement, tels qu'ils sont définis par l'autorité internationale ( vous les trouverez sur " whc.unesco.org/list/1256/documents". On y trouve en premier lieu le choix du titre de l'appellation: "BORDEAUX, Port de la lune". Tout y est dit, tout y est défini: l'histoire et la geographie du lieu. Suivent ensuit d'admirables éloges, finement détaillés, sur cette ville d'échanges séculaires qui s'est patiemment construite, quartier par quartier tout au long de cet arc royal qu'est la majestueuse courbe du fleuve déployée de manière fascinante sur 4 kms.
Question: cette déclinaison d'un tel site est-elle réellement menacée par la réalisation d'un extravagant pont levant gigantesque qui déshonorera le paysage tout en chassant les armateurs peu friands de ce genre de cadenas portuaire? Et si oui, n'est-il pas grand temps que les Bordelais se réveillent et ouvrent leurs yeux? Ile sont légataires de l'héritage de leurs ancêtres et dépositaires du cadeau exceptionnel qui leur a été fait. Il est de leur devoir de défendre ce trésor qui n'appartient pas à des roitelets de passage, bordelais de fraiche date, qui font savoir qu'ils en disposeront à leur guise, si on ose les contrarier dans leurs projets personnels, qu'aucune concertation démocratique n'est venue justifier.
Cela n'est pas une imbécile affirmation chauvine.
Toux ceux, natifs ou non de la cité, qui viennent y travailler pour son bienfait sont les bienvenus. A condition qu'ils respectent, entre autre, les quelques 2000 ans d'histoire qui les accueillent.
Lecteurs de Michèle, réflechissez aux vrais prolèmes qu'elle évoque aussi finement que discrètement, au lieu de vous perdre dans d'absurdes autant que dérisoires querelles sémantiques ou grammaticales qui m'attèrrent, au sens propre du terme, par leur profonde imbécillité ( j'excepte le commentaire 2).
J'encourage tous les lecteurs de ce blog à lire "La forme d'une ville", ouvrage d'un grand géographe qui a traversé de part en part le XXe siècle. Il s'agit bien sûr de Julien Gracq qui, à partir de Nantes, nous rappelle que ceux qui l'habitent n'ont pas le pouvoir d'affranchir une ville de sa géographie intime.
Ci-dessous le paragraphe introductif de "La forme d'une ville", in extenso, tant il serait criminel de l'amputer. Qu'il soit lu en pensant à Bordeaux et au port de la Lune, jusqu'au dernier mot.
« La forme d’une ville change plus vite, on le sait, que le cœur d’un mortel. Mais, avant de le laisser derrière elle en proie à ses souvenirs – saisie comme elle est, comme le sont toutes les villes, par le vertige de métamorphoses qui est la marque de la seconde moitié de notre siècle -, il arrive aussi, il arrive plus d’une fois que, ce cœur, elle l’ait changé à sa manière, rien qu’en le soumettant tout neuf encore à son climat et à son paysage, en imposant à ses perspectives intimes comme à ses songeries le canevas de ses rues, de ses boulevards et de ses parcs. Il n’est pas nécessaire, il est sans doute même de médiocre conséquence qu’on l’ait vraiment habitée. Plus fortement, plus durablement peut-être, agira-t-elle sur nous si elle s’est gardée en partie secrète, si on a vécu avec elle, par quelque singularité de condition, sans accès vrai à son intimité familière, sans que notre déambulation au long de ses rues ait jamais participé de la liberté, de la souple aisance de la flânerie. Pour s’être prêtée sans commodité, pour ne s’être jamais tout à fait donnée, peut-être a-t-elle enroulé plus serré autour d’elle, comme une femme, le fil de notre rêverie, mieux jalonné à ses couleurs les cheminements du désir. »
Ne sommes nous pas, ici, enlacés par la Garonne ? Nous faut-il renoncer aux cheminements du désir pour un tablier ?
Personne ne peut comprendre l'entêtement de Juppé, de Rousset et de Feltesse envers ce monument. Les baccalanais et les bastidiens n'en veulent pas alors qu'il est soit disant fait pour eux. Cela au moins devrait les interroger.
les habitants ont travaillé et démontré qu'il ne correspondait pas au besoin de désenclavement des deux quartiers. Rien n'y fait et Juppé va jusqu'à dire qu'il préfèra le pont au classement de l'unesco. Cela veut tout simplement dire : j'ai raison envers et contre tout et envers et contre tous.
On rencontre le même entêtement en ce qui concerne le tracé du tram bien que Juppé soit u peu plus prudent en s'exprimant. Mais ses;proches savent qu'il a décidé depuis longtemps et que les déclarations contraires ne sont que des alibis électoralistes.
Et Feltesse n'a rien à cirer des problèmes des quartiers concernés de Bx et du Bouscat. Il cherche la soljution présentant à ses yeux les moindres difficultés. Mais il risque de se tromper - les juristes travaillent déjà...
Rien n'empêche le puriste d'être aussi éduqué, c'est-à-dire de se taire. Nous avons plutôt affaire ici à un épurateur ; le genre de petit prof qui n'aurait pas hésité à souligner une faute dans un vers de Rimbaud, en passant bien sûr à côté de la poésie sans la voir. On pense à l'imbécile du proverbe chinois auquel est montré le port de la Lune.
Ce petit prof n'a surtout qu'un très grand défaut: il se trompe en permanence et ne veut pas l'admettre! Il découvrirait une fausse faute et défend son erreur jusqu'au trépas.
Difficile d'avoir un avis tranché sur la question du pont ou encore de la pertinence de l'enfouissement des restes de la cathédrale primitive de la place Pey Perland. Pour ce dernier point, Juppé a choisi l'économie en figeant les fouilles sous le sable, en se laissant l'espace de recreuser si un jour les archeologues coutaient moins cher de l'heure (on sait jamais après le plombier polonais, pourquoi pas l'archéologue roumain qui viendra un jour au secours de la mairie bordelaise).
Pour le pont... j'attends toujours que Michèle me montre une maquette d'un tunnel sous la Garonne pour me prouverr qu'il est possible de relier Bacalan et La Bastide par un tunnel et non Le Bouscat/Bruges et Cenon. Je suis dubitatif sur la réalisabilité d'un tel projet, surtout si on veut boucler les boulevards (problème de trémies).
Pour ce qui est du format du pont, par contre, en effet, j'ai du mal à comprendre cette volonté de gigantisme. Après, on aura là un ouvrage d'art exceptionnel, mais quel intéret quand on a le but primaire de la pratique et de l'efficacité. Juste à montrer qu'on a le plus gros (pont le m'entends)?
Bref, dur de trancher entre une certaine propension à la mégalomanie et au doute persistant, fondé sur des reminiscences scientifiques. Z'auriez pas une troisième voie en stock?
@ Alain,
Le problème, Alain, c'est que Rimbaud, toi et tes copains, vous en êtes loin et je vous vois plutôt en Izambard ; Izambard, un c.. comme la lune dont tu parles souvent.
Rimbaud, ici...
@Elias,
" Imbecillité ", avec deux " l " admis dans ce merveilleux ouvrage de référence de la langue française qu'est, en un demi volume inachevé ( comme son auteur d'ailleurs), " Le Petit Elias Illustré ".
Une chose est sûre de plus : je vous occupe. N'avez vous rien d'autre à faire ?
Vu l'amplitude horaire de votre présence sur ce blog, on est inquiet pour vous.
t'as, raison pour les "l", pour le reste...