20
juil
2014
Bouleversée, désemparée et presque paralysée -alors que mon programme du jour était dense- de la meute de réactions à l’un des mes tweets :
« De tout petits cadavres ensevelis en hâte au milieu des pleurs. Est-ce que les Israeliens ne se souviennent pas ? #Gaza »
Immédiatement, plusieurs retweets, plusieurs mentions « favoris », des réponses calmes et solidaires. Et puis, après une heure, l’affirmation d’une twitta « l‘ex Ministre @micheledelaunay compare implicitement les Israeliens aux nazis ».
Explosion de haines diverses, qui n’ont à cette heure pas cessé. Ont-elles vraiment lu mon tweet ou seulement le commentaire, leurs auteurs ont-ils réfléchi, se sont-ils interrogés sur ce que la forme elliptique du tweet contenait ?
Les uns m’ont traité de nazie, un autre m’a entendue (il l’a affirmé) crier « mort aux juifs ». Un troisième a rangé notre Gouvernement comme ceux qui l’ont précédé parmi ces fomenteurs d’antisémitisme qui faisaient qu’un juif ne pouvait désormais plus se promener sans crainte dans nos rues.
D’autres au contraire ont assimilé juifs à nazis, Valls à un vendu, Hollande à un complice. Beaucoup se sont rassemblés pour déclarer que je ne connaissais rien à l’histoire, d’Israel pour beaucoup, de la Palestine pour le même nombre, de la Shoah ou de l’Allemagne pour les autres.. Un dernier, finalement assez positif m’a conseillé de me présenter au concours de Miss France, sous-entendant que je n’étais qu’une « blonde » parmi tant d’autres de cette congrégation.
Aurais-je dû compléter ma phrase ? J’adore twitter par son incitation à la brièveté, son côté formule latine, sans fioritures et sans bavure. Je l’ai fait au milieu de tant de commentaires (« est-ce que les Israeliens ne se souviennent pas qu’ils ont tant souffert ?« ), mais il était trop tard, plus personne n’écoutait que soi-même.
Comme dans une foule, un cri était parti, un mouvement de haine ou de panique, et tout le monde piétinait tout le monde.
J’en suis bouleversée, atterrée. La paix est loin devant tant de haine, de rancoeurs, d’impulsivités croisées et si peu de voix pondérées appelant, comme le fait notre Gouvernement à l’urgence d’un cessez- le-feu. Chaque mort, chaque exaction, chaque violence, d’un côté ou de l’autre, attise la haine, retarde la chance d’une conciliation, d’une paix, d’une communauté de vie dans ce territoire qui est aujourd’hui comme une enclume chauffée à blanc.
Je rêve d’un Gandhi israelien, qui entrainera derrière lui la conscience du monde. Pourquoi israelien ? Parce qu’Israel est militairement le plus fort donc le mieux à même de faire le pas décisif. Pourquoi n’ai-je pas écrit « juif » quand ce peuple de culture et d’intelligence est si bien à même de le produire ? Pour ne pas divertir le conflit de ses limites territoriales.
Pouquoi pas « palestinien » ? Pour la raison contraire d’ « israélien ». Pourquoi ni arabe, ni musulman ? Parce que ces mots sont multiples comme ceux qui s’en revendiquent et moi trop maigre en connaissance de cette complexité.
Je rêve d’un Gandhi. Trop tard, diront certains, colères et clameurs ont depuis trop longtemps envahi le ciel. Plus possible, diront d’autres, alors que d’autres conflits aussi dramatiques et sanglants ont envenimé les terres où il pourrait aller prêcher, porter la parole de paix et l’essence même des religions qui aujourd’hui font monter la violence à son comble (deux femmes lapidées en Syrie ces deux derniers jours..)
Aujourd’hui, le même jour exactement, est celui de l’anniversaire de la rafle du Vel d’hiv et de l’attentat de Stauffenberg contre Hitler. L’Histoire nous apprend que le pire et le meilleur se côtoient chaque jour.
Je souffre à la pensée de ces petits cadavres, qu’ils soient Palestiniens, Juifs, Syriens ou chrétiens d’Orient. Cette souffrance n’est pas émotion d’un instant, mais désir de mémoire et volonté d’avenir.
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Michel LEPINAY | 20 juillet 2014 à 17 h 58 min
Nous vivons une période ou chacun doit peser les mots qu’il emploie au trébuchet, pour éviter d’alimenter la spirale folle de la haine. Jours de Désespoir…
http://michellepinay.blog.lemonde.fr/2014/07/19/jours-de-desespoir/
Klaus Fuchs | 20 juillet 2014 à 18 h 43 min
En effet, quiconque a suivi les tweets après la publication par Michèle d’une phrase à première vue simple, non polémique et expression d’un sentiment hautement personnel, a assisté à une vraie explosion de réactions marquées par une hostilité rarement rencontrée sur les réseaux. A la réflexion, tout cela montre que le « conflit israélo-palestinien » est un phénomène qui déclenche depuis des décennies , et qui déclenchera encore pendant des décennies les passions. Passions très différentes selon l’ »appartenance » de ceux qui s’expriment: en premier lieu ceux qui sont aujourd’hui directement concernés, Israéliens et Palestiniens et leurs familles. Mais aussi tous ceux qui sont concernés, ou se sentent concernés, par l’Histoire qui les lie au présent: héritiers de la shoa, membres de la communauté juive ou musulmane par un réflexe de solidarité. Et finalement aussi tous ceux qui se sentent solidaires pour des raisons politiques ou humanistes avec les habitants de cette mini-région qui se trouve depuis presque sept décennies au centre de l’Histoire. Les origines malheureusement ratées de la création (ô combien nécessaire) de l’Etat d’Israël qui a privé d’un jour à l’autre la population qui l’habitait depuis une éternité de leur patrie et de leur terres. Ce n’était certainement pas prévu mais aucune solution n’avait été trouvée pour éviter le drame qui frappe depuis les Palestiniens dispersés sur les Etats voisins dans des conditions le plus souvent misérables. Et on ne voit guère comment ce drame, cette misère pourrait se terminer. Le recours à la violence, plusieurs guerres ont créé une situation psychologique de plus en plus inextricable. Les « faucons » ont au fur et à mesure écrasé la voix de la raison; les populations mêmes des deux parties sont ballottées par les décisions de leurs leaders et ne voient pas d’issue ce qui attise bien sûr la haine et l’appel aux solutions radicales: l’éradication de l’Etat d’Israel réclamée depuis les années Arafat a comme contre-partie le souhait d’en finir une fois pour toutes avec l’Hamas, voire les Palestiniens dans les terres de Eretz-Israel. Les tentatives diplomatiques des uns et des autres ont toutes échoués; la radicalisation anti-israélienne a déclenché comme une tache d’huile l’intoxication de toute la grande région habitée par les musulmans. Et s’est répandue dans les pays à forte immigration maghrébine. En parallèle on a assisté à la recrudescence d’un antisémitisme, jusque dans les milieux politiques, qu’on aurait cru révolu mais qui ne semble qu’à avoir attendu les événements de plus en plus répétés en relation avec le conflit israélo-palstiien pour prendre de la force. Ce qui ne pouvait que susciter une réaction psychologique dans la communauté juive: la sensibilité de tous les interlocuteurs d’appartenance « juive » (rarement juifs religieux!) auxquels j’ai parlé depuis mon arrivée en France en 1975, parfois de très grands amis, m’a montré à quel point ils sont susceptibles à toute trace d’antisémitisme, direct ou larvé. Les réactions hostiles (profondément injustes quand on connait Michèle, son histoire, ses actions et ses convictions) à son tweet s’expliquent par tout cela. J’espère toutefois que le calme et la réflexion raisonnable reviendront pour mettre fin à cet épisode.
Marc Loraison | 20 juillet 2014 à 19 h 47 min
je crains qu’il ne soit trop tard pour un Gandhi, qu’il s’appelle Shlomon, Rebecca, Ahmed ou Rachel. Je crains que les passions, comme vous dites, ne soient allées trop loin, que les religions aient outrepassé ce qui fait leur sens et leur grandeur.. Je ne vois plus la moindre solution et cela me désole et m’interroge jusqu’au fond meme du questionnement qui est : n’y a t il rien ni personne pour protéger ce bout de terre où plusieurs religions se sont données rendez vous ?
Pascal Lafargue | 20 juillet 2014 à 23 h 24 min
« De tout petits cadavres ensevelis en hâte au milieu des pleurs. Est-ce que les Israéliens ne se souviennent pas ? #Gaza »
J’aurais pu écrire la même phrase, Chère Michèle.
Tu as tout mon soutien pour ces attaques inacceptables. On n’aurait plus le droit de souffrir à la vue d’enfants jouant sur la plage et déchiquetés par les armes de l’Etat d’Israël ?
alphonse | 21 juillet 2014 à 11 h 24 min
C’est comme pour les « questions éthiques » (euthanasie, etc…), chère Madame.
La philosophie, c’est l’action.
On ne peut laisser, en particulier pour une ministre de la Majorité, priorité au doute indéfiniment. Au doute, ou au souvenir…
Ces jours-ci, en France, on dirait que parce qu’il y a eu la rafle du Véld’Hiv, la parole officielle est anesthésiée par rapport à l’offensive israélienne sur Gaza…et d’une façon générale que l’Etat Laïc Français ne cesse de donner des gages successivement de tous côtés, comme des coups de goupillons, tantôt aux juifs, tantôt aux musulmans…et même(!) au catholiques…!
Il faut recommander à tous l’interview dans le Nobs de Zeev Sternhell, le grand historien israélien, spécialiste du fascisme en France…qui laisse entendre - à part que René Rémond ne réserve que 7 pages à Vichy comme un détail dans son histoire de la droite réactionnaire en France - que la droite israëlienne est porteuse d’un désastre sans nom..!
Jean Jaurès se plaisait, paraît-il, à rapporter ce mot de Michelet: « Si tous les êtres, et les gens humbles, n’entrent pas dans la Cité, je reste dehors »
(je lis, pour me parfaire, en ce moment, le « Jaurès » de Laurent Lasnes (édit.du Rocher, Monaco!, dépôt légal mai 2014)
On serait bien curieux de savoir quelle eût été la position d’un Jaurès, non seulement déjà quant à la création de l’Etat d’Israël (« ô combien nécessaire »?? vraiment cher Monsieur Fuchs?! - et il paraît que Jaurès n’hésitait pas à dire « messieurs » même aux camarades!)
…..mais aussi quelle eût été la position d’un Jaurès sur toutes les occasions manquées par cet Israël, depuis 1948, pour réellement proposer une démocratie réelle et entière aux populations chez lesquelles Il s’était « invité » avec la bénédiction de la « communauté internationale » de l’époque, - démocratie que les pères sionistes avaient toujours promise.
Alors, aujourd’hui plus que jamais, que la laïcité se contente de faire respecter la liberté d’opinion, tolérer les religions et qu’elle les renvoie à elles-mêmes (quitte à les « poursuivre ») quant à leurs responsabilités civiques…
Et que la France dise une bonne fois clairement à Israël: NON, en voilà ASSEZ!
Louis | 21 juillet 2014 à 16 h 49 min
Est-ce que le spectacle de petits cadavres ensevelis en hâte au milieu des pleurs, devrait inciter l’état d’Israël à recevoir sans broncher une pluie de missiles ?
Louis | 21 juillet 2014 à 22 h 02 min
Non Alphonse. Il faut que Hollande fasse ce qu’il n’a pas pu faire en Syrie : envoyer nos Rafales bombarder Tsahal !
Buchner | 22 juillet 2014 à 9 h 29 min
Les israëliens et les juifs en ont assez d’être montrés du doigt continuellement. Ils ne sont ni meilleurs ni pire que les autres. Ni meilleurs ni pire que leurs voisins syriens ou irakiens ou lybiens dont les populations martyrisés n’attirent pas la compassion des politiciens et des foules en général.
Ils ne sont pas meilleurs ou pire que les français qui laissent s’accomplir sous leurs yeux un massacre et un nettoyage ethnique en Centrafrique. Je suis sur qu’il y avait aussi beaucoup de petits enfants là-bas.
Quant aux leçons apprises au cours de la Shoah, il est évident que les plaies sont encore ouvertes pour beaucoup qui ont été élevés par les survivants. Faire des effets oratoires avec cela n’est pas très digne. Sinon, personnellement, parmi les leçons que j’ai retenu, il y a « éviter de faire confiance aux faux amis franchouillards, ils pourraient vous livrer aux allemands ».
alphonse | 22 juillet 2014 à 11 h 57 min
Il faudrait donc s’aligner sur l’exagération et les disproportions du pire..?!
» Dans une époque tourmentée où les hommes du parti de la guerre avancent encore masqués dans les chancelleries européennes et où quelques teigneux agitent la rue, le poing guerrier et le regard empourpré par l’instinct bestial et le désir de se foutre-sur-la-gueule, l’idéal de paix est furieusement cerné par les spasmes de la violence. A la bonne franquette de la Belle-Epoque, c’est comme si les hommes jouaient dans un vaudeville avant qu’une succession d’événements ne les fasse basculer dans une tragédie.
Chose étrange que la vie et la mort, comme si tout cela était trop considérable pour les petits hommes. »
(p.152 du livre sur Jaurès que j’ai cité ci-dessus)
Quelle actualité dans cette peinture des seules quelques semaines qui ont précédé l’assassinat bien prémédité par les plus brillants esprits français. Avait-on donc tellement peur que « notre Jean » finisse par combler le « pénurie de sacré » contre lequel grognaient Péguy, Baudelaire ou Verlaine ? En faisant advenir la transcendance, sur toute religion, d’une république vraiment démocratique
« allant répétant que « la République est incomplète sans le socialisme » mais que le socialisme est impuissant sans la République », ajoutant que la « res publica » (bien commun) ajoutée à la souveraineté du peuple est ce qui lie vraiment la démocratie à la République.
Mais sans doute FALLAIT-il encore deux guerres franco-allemandes mondialisées et leurs avatars jusqu’à aujourd’hui, pour que, SPIRITUELLEMENT du moins, on finisse par compléter cette algèbre républicaine par la condamnation définitive de l’imbécilité des nationalismes, tellement bien cultivée par les religions.
Vous cherchez un Ghandi, Madame?
Vous aviez Jaurès… et il se laisse récupérer par…Sarkozy….et par Lepen….
Klaus Fuchs | 22 juillet 2014 à 18 h 22 min
@ Buchner
« Les » juifs, « les » Palestiniens: il serait en effet idiot de mettre tous « les » dans le même sac. Mais s’agissant de ces deux peuples (je transforme déjà « juifs » en « Israéliens »): le problème c’est les fanatiques dans les deux camps, les « faucons », qui attisent les tensions et les haines et qui refusent toute solution raisonnable. Là où « compromis =compromission », on n’arrivera jamais à une solution. Trop de sang a semble-t-il été versé, des deux côtés (je refuse de calculer la ratio!) pour que les sentiments, la « mémoire » chez les « faucons » ne l’emporte sur la raison.
fan club | 22 juillet 2014 à 21 h 51 min
» L’histoire ne repasse pas les plats « , hélas on se croirait presque revenu en 39-45
avons nous donc si peu de mémoire ?
Les victimes de cette guerre doivent se retourner dans leur tombe
P.S vous allez vous présenter au concours Miss France ?