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jeudi 19 février 2009

Discriminations (II): "statistiques ethniques" ?

Parler de "statistiques ethniques" les condamne aussitôt, légitimement à mon sens. Le Conseil constitutionnel a en effet censuré fermement l'article de la loi sur l'immigration relatif aux statistiques ethniques : "la mesure des origines peut porter sur des données objectives mais ne saurait sans méconnaitre l'article 1 de la constitution reposer sur l'origine ethnique ou la race".

Notre proposition de loi, présentée ce matin à l'Assemblée (voir billet précédent) prend sur le sujet une position très mesurée, permettant de recueillir des informations possiblement utiles dans l'objet même de la lutte contre la discrimination, mais ne pouvant pas servir cette discrimination. Il prévoit de développer les enquêtes déjà réalisées sur la base du nom de famille, du ou des prénoms et de la nationalité des parents et grands-parents.

Il envisage également la possibilité d'enquêtes basées sur des données subjectives, comme celles fondées sur le "ressenti d'appartenance". Ainsi des questions sur les origines des personnes selon leur propre sentiment (auto-identification) et/ou selon le regard des autres ("comment pensez-vous que les autres vous voient ?) peuvent être posées dans des enquêtes encadrées.

Quels sont ces critères d'encadrement ? - lien avec la lutte contre les discriminations - contrôle par la CNIL - consentement des personnes - caractère anonyme et facultatif - mode auto-déclaratif des questions qui doivent être "ouvertes"

L'objectif n'est pas une mesure systématique de la diversité, réalisant une sorte d'état des lieux de la population française, mais de mieux connaître les discriminations "selon les origines réelles ou supposées" de la personne discriminée.

Ni interdire, ni entériner sans limitation et conditions, voilà le propos de notre réflexion et de nos propositions sur ce sujet sensible.

Discriminations : en direct de l'Assemblée

Nous présentons ce matin à l’Assembée, sous la direction de la députée de Paris George Pau-Langevin, un projet de loi « Lutte contre les discriminations liées à l’origine réelle ou supposée »

Dans le contexte d’inquiétude sociale qui est le nôtre, et avec en fond sonore l’agitation en Guadeloupe, ce projet de loi trouve une résonance particulière. On peut craindre en effet que devant les difficultés d’emploi et les problèmes économiques, la tentation de discrimination ne s’exacerbe. Il faut non seulement l’encadrer mais essayer de la dissoudre avant qu’elle s’exprime.

C’est d’ailleurs aller dans le sens des préoccupations et des souhaits de la majorité des Français : 95% d’entre eux estiment qu’il est important de lutter contre les discriminations, 63 % estiment qu’ils pourraient en être victimes un jour et 8% estiment qu’ils en ont été victimes en 2007 (6000 plaintes auprès de la Halde en 2007, soit + 50% relativement à 2006).

L’emploi est le premier domaine avec plus de la moitié des réclamations (50,1%) auprès de la Halde, devant le fonctionnement des services publics (20%), les biens et les services privés (13,26%). L’origine est le critère le plus souvent invoqué (27,16%), suivi de près par la santé et le handicap (21,68%). On ne s’étonnera pas que je souligne la place de la « santé » : si ce n’est pas le premier motif de plainte auprès de la halde (et cela déjà constitue un sujet de réflexion), la grande obésité est un des premiers motifs de discrimination à l’embauche.

Quoi faire ?

Notre projet de loi aborde 10 thêmes et je tiens à disposition un dossier présentant le détail de la loi et les argumentaires s'y référant (simplement me contacter par l’intermédiaire de la rubrique « contact »).

Voici les trois premiers :
- s’attaquer de front à la discrimination dans l’emploi
- refuser les discriminations dans l’accès au logement
- promouvoir l’égalité des chances à l’école

Je détaille seulement ici les mesures contre la discrimination dans l’emploi :
- prise en compte de la politique des entreprises en matière de lutte contre la discrimination dans les critères d’attribution des marchés publics et rendre possible l’interdiction de l’accès au marché public aux entreprises condamnées pour discrimination
- inclusion d’informations relatives à la politique de lutte contre les discriminations menées par l’entreprise dans son bilan social
- CV anonyme
- Révision des emplois fermés aux étrangers
- Evaluer l’application de la charte de la diversité dans les entreprises et récompenser les entreprises ayant une politique active d’un label « égalité »
- Revoir les concours d’accès à la fonction publique dont certaines épreuves s’avèrent discriminantes
- Inscrire dans la Loi l’accord national interprofessionnel relatif à la diversité dans l’entreprise
- Assurer l’égalité d’accès des jeunes aux stages et aux emplois saisonniers
- Afficher sur les lieux de travail la réglementation relative à la discrimination
- Permettre à un plus grand nombre d’associations d’ester en justice en faveur d’un candidat à l’emploi en réduisant de 5 à 3 ans le délai minimum depuis la création de ces associations

Le sujet est d’importance. Il a occupé plusieurs mois notre groupe. Au delà des déclarations de principe de la majorité UMP et du Nouveau Centre, quelle va être leur attitude au moment du vote ?