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L’ « épidémie » de dépression, et la prise d’antidépresseurs qu’elle suscite, est un sujet majeur de notre décennie et des deux qui l’entourent. Bien loin des élections régionales qui me tiennent le nez dans le guidon et les pieds sur le terrain. Mais justement…

Je tombe tout à l’heure, malgré ma téléphobie constitutionnelle, sur une émission consacrée aux anti-dépresseurs et, au passage, aux connexions du monde médical avec les laboratoires pharmaceutiques. Je n’évoquerai ce soir que le premier aspect.

Pas de révélation dans cette émission (« Envoyé spécial »), mais la confirmation de ce que nous savons maintenant fermement : les antidépresseurs sont utiles, une part de leur effet est liée au seul fait d’être traité et de prendre un médicament (ce que l’on appelle l’effet placébo) ; ils ont aussi des effets secondaires indésirables : hyperactivité, possibilité d’actes inconsidérés ou violents, pulsions suicidaires, syndrome de sevrage lui-même générateur de troubles.

Un aspect a été complètement laissé de côté et il est, après des années d’expérience, majeur : celui de la dose de prescription.

N’ont été évoqués en effet que le nombre de boîtes consommées, les millions de Français sous traitement et le fait qu’un Français sur trois consomme, a consommé ou consommera des antidépresseurs. Sur les doses et la manière de prescrire, pas un mot.

J’ai prescrit de très nombreuses fois des antidépresseurs. Je ne suis pas psychiatre et quand se présentaient devant moi des dépressions endogènes (qui viennent de l’intérieur du moi et non d’évènements extérieurs), récidivantes, graves, j’ai toujours su passer la main et faire appel au spécialiste dont l’intervention était nécessaire.

Mais j’ai rencontré par centaines des patients qui affrontaient une épreuve, un creux, un vide, une sorte d’épuisement de soi quand ce n’était pas cet épuisement des coureurs de fond devant la suite et la durée de l’effort. Dans ma spécialité, cette épreuve, cet épuisement étaient le plus souvent (mais non seulement) liés au cancer et à la suite des traitements, des examens, des attentes de résultats qu’il impose. Il n’y a pas besoin de dire longuement que cette course-là relève du sport de haut niveau.

Les antidépresseurs à ce moment, – quand les ressources personnelles sont épuisées ou qu’il ne suffit plus de l’échange, de la proximité, de l’amitié, de l’amour, pour les alimenter -sont utiles et nécessaires. Ils ne sont pas un traitement, ils sont un soutien.

La question est alors celle de la dose. Pratiquement jamais, le besoin ne dépasse un comprimé par jour des antidépresseurs les plus connus. Un demi comprimé suffit souvent. Ils sont alors comme la bouée, le petit canard gonflable qui n’empêche pas de faire effort ni de nager, mais qui allège la charge.

Bien souvent aussi, bien qu’il soit difficile de le prescrire quand on est un médecin hospitalier dont on attend du « lourd » , j’ai prescrit du millepertuis. C’est une plante bien innocente, dont les jolies fleurs jaunes garnissent peut-être votre jardin sans que vous en sachiez rien. Cette prescription est difficile car presque toutes les gélules que l’on trouve en France sont insuffisamment dosées pour être utiles. A concentration suffisante, le millepertuis constitue un soutien authentique, qui n’a pas encore reçu l’imprimatur des psychiatres français, mais qu’ils ont la gentillesse de ne pas non plus dénigrer, à la lecture des publications scientifiques américaines ou germaniques.

Voilà. J’avais envie de vous en parler. Cette émission, de qualité, m’a laissé une impression d’inachevé en raison de l’ignorance de cette question de la dose et des formes non médicamenteuses (stricto sensu) des antidépresseurs. Les traitements « doux », les doses de soutien (« supportive care ») sont comme une main amicale pour les chemins ardus, sablonneux, malaisés. Ils ne suffisent pas, mais ils servent.

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