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D’ici dix, et plus encore 20 ans, l’expression « la force de l’âge » devrait grandement changer de sens. Ce sera une force politique et électorale. La démographie fera démocratie.

C’est déjà le cas me dira-t-on. Vingt quatre pour cent de plus de 60 ans au moment des dernières élections présidentielles, votant en grand nombre dans cette élection comme dans toutes les autres, et qui ont permis à François Hollande d’être élu en votant moins majoritairement à droite que 5 ans plus tôt (1)

Ces 24% seront 30% dès 2025. Cette augmentation de nombre ne s’accompagnera que très peu d’une augmentation du taux de dépendance. Autrement dit, ces âgés ne seront pas de ceux dont on remplit la poche d’une enveloppe déjà garnie. Ils voteront en sachant pour qui ou pour quoi. Si l’ont tient compte du taux prévisible d’abstention, on ne peut exclure qu’aux élections à faible participation, les âgés soient majoritaires (2).

Ce ne seront pas non plus les mêmes que ceux qui ont élu Nicolas Sarkozy en 2007. Ceux-ci avaient grandi dans l’ombre du général de Gaulle et de l’idée d’une France forte et du besoin de chef. Les âgés de demain auront grandi dans la préparation ou la marque de mai 68 et même s’ils n’ont pas personnellement dépavé le boul’mich, ils ont évolué dans une culture d’émancipation. Les femmes particulièrement dont on sait qu’elles vivent plus longtemps.

-Le vote « dedroitedechezdedroite » des retraités n’est pas une assurance tous risques pour les partis qui se réclament de ce côté de l’échiquier politique. Le contraire cependant non plus pour ceux qui se réclament de la gauche : cela dépendra grandement de leur capacité d’anticiper ce nouveau défi.

A cette heure, aucun tribun (remarquons que le mot n’a pas de féminin..) n’a su/pu/voulu mobiliser les âgés en tant que tels. Les associations de retraités sont légion : reconnaissons, malgré toute l’amitié que je leur porte, qu’elles sont peu ouvertes à concevoir dans sa globalité une politique de l’âge. Je rêve d’un « Haut Conseil de l’Age » composé non seulement d’âgés mais de candidats à le devenir -ce qui ouvre le champ assez largement- et ouvert à auditionner sociologues, philosophes, économistes, gérontologues, financiers, artistes..c’est à dire tout ceux qui sont impliqués dans cet immense défi démographique et qui y réfléchissent. Car c’est bien une histoire complète, à facettes multiples, que nous avons aujourd’hui à raconter et à bâtir.

Je reviens à mon tribun : nul n’a pour l’heure éveillé la « conscience de classe » des âgés. Si l’on prend en compte leur faible taux d’abstention et le fait qu’ils représenteront demain 30% de la société, ils ne seront dans beaucoup d’élections pas loin d’être majoritaires à eux tout seuls. Négliger les âgés aujourd’hui, ce serait négliger le tiers-Etat en 1789.

Si une « guerre des générations » venait à se déclarer, qui la gagnerait ? Dans les urnes : les âgés. Du moins personne ne pourrait accéder au pouvoir politique en allant au contraire de leurs exigences. (Ce qui est un peu différent de la certitude d’imposer lesdites exigences.)

Ce serait un drame sous cette forme : rejeté vers une conscience communautariste par une attitude de rejet des générations plus jeunes, les âgés s’enfermeraient dans une conscience de classe réactionnaire, défensive et néo-poujadiste.

A l’inverse, si les générations qui leur succèdent ont une attitude d’inclusion, de participation, de valorisation, je prends le pari que les âgés, fort d’une expérience politique non négligeable (celle de la 2ème partie du siècle dernier et du début de celui-là), sont susceptibles de concevoir le nouveau monde et d’y apporter vision, innovation, réflexion. Les premiers dans cette situation quasi-majoritaire, ils seront obligés d’inventer.

On considère aujourd’hui en Europe que la jeunesse est l’urgence. Et c’est vrai. Mais si la jeunesse est l’urgence, l’âge est l’exigence. A ne jamais vraiment traiter le sujet, on s’enfermera plus sûrement encore dans l’obscurantisme qu’à négliger le réchauffement climatique.

Le défi démographique est aujourd’hui un défi démocratique. Et c’est une grande, forte, totalement nouvelle perspective.

1. En 2007  au 1er tout N Sarkozy a été choisi par 41% des retraités contre 23% pr S Royal. En 2012 37% pr NS et 32% pr F Hollande

2. L’abstention est beaucoup plus faible chez les âgés. Aux municipales 2008, 2 âgés de plus de 60 ans pour 1 jeune de moins de 30 ans se sont déplacés pour voter. Au 2ème tour des régionales 2010, 7 seniors se sont déplacés pour 3 jeunes

 

Comments 17 commentaires

  1. 18/08/2013 at 17:12 Senior

    C’est curieux: Michèle Delaunay touche là à un aspect totalement négligé et pourtant d’une évidence qui devrait inciter à une discussion animée. Le rôle politique de la cohorte des plus de 60/65 ans sera capitale dans les années à venir lorsque la distribution des richesses posera de plus en plus de problèmes. Pour la politique il s’agira d’éviter un clivage jeunes/âgés par une approche de justice sociale acceptable par tous quitte à glisser peu à peu dans ladite « guerre des génération », désastreuse pour une société démocratique. Il faudra beaucoup de « pédagogie » et de force de conviction pour que les uns et les autres acceptent les compromis nécessaires et inévitables. Il s’agira aussi de faire en sorte que les « tribuns » et autres démagogues ne s’emparent pas du sujet pour intoxiquer le débat. Gouvernements et partis politiques doivent prendre ce défi à moyen et long terme en compte sans attendre. Ceci doit bien sûr se faire en renonçant au court-termisme des législatures de cinq ans. Vaste programme, dixit l’autre…

  2. 18/08/2013 at 17:51 Politiquement incorrect

    Curieux en effet que tous nos savants cosinus n’aient pas réfléchi à cette évolution et qu’euro SCG n’ait pas proposé une stratégie pour rallier tous ces jeunes vieux. Et pour les jeunes vieux, un sacré rôle, une responsabilité non négligeable, s’ils ont le courage d’endosser le rôle au lieu de jouer les jeunes-jeunes

  3. 20/08/2013 at 17:33 Artemis

    Il est certain qu’avec un quart de la population, les âgés sont/doivent être des poids lourds de la vie politique… Et face à la hausse constante (et consternante) de l’abstention, ils sont peut-être aussi notre seul recours pour garantir la continuité de la démocratie ! Une question cependant : sauront-ils prendre conscience de cet enjeu et se mobiliser au bon moment ?

  4. 20/08/2013 at 18:41 Skakni nourreddine

    Bonjour,
    je suis le militant algérien d’origine de Québec on s’est rencontré à Québec l’an passé avec la section de Ps.
    Votre article me fait réfléchir…. Vous avez jeté un autre regard sur ma façon de militer dans les années à venir.Ce n’est pas juste juste la retraite.qui doit les interesser. A cet âge là; on en a vus d’autres. je reste perplexe , vous m’avez ouvert une nouvelle piste, un nouvel univers à explorer. Merci beaucoup . cela devrait aboutir à des engagements au parti Socialiste en principe.

    Ceci dit je vois qu ‘au parti Socialiste , on recommence le vrai débat, le débat d’idées après une longue nuit à suivre la courbe du chômage. Ce n’est pas les économistes qui font le monde mais les idées de progrès social.je suis fatigué de voir ces économistes qui passent à la télé.Il devrait y avoir aussi des des philosophes, des sociologues et des écrivains commenter les informations.
    Pour eux `le bonheur est en Allemagne`; pourtant j’ai fait une longue réflêxion sur le bonheur. À trente ans je pensais que le bonheur est dans les prés mais je me suis ressaisi très vite et j’ai vite compris que le monde de la finance nous emmène tout droit vers le vide de la pensée et son fameux postulat `l’argent est le nerf de la guerre.il y en a eu des guerres stupides pour quelques poignées de pétrole.
    je crois toujours à l’égalité entre les hommes et les femmes, au droit de vote des étrangers..
    Je crois toujours à la fraternité et à l’entraide.
    Je crois toujours à la liberté et à la démocratie pour tout le monde.
    La devise de la République est toujours de mise..
    Je vais terminer ce texte avec le citation suivante:
    Et à l’aurore où est l’espoir?
    L’espoir…. l’espoir est en l’homme!
    Nazin Hikmet poète turc
    Cordialement..

    Nourreddine Skakni

  5. 23/08/2013 at 13:01 Catelyne

    Bonjour,
    Je ne sais si en 2025 si je, si nous les baby-boomers qui avons accompagné ou qui accompagnons au quotidien un de nos proches voire quelquefois plusieurs, seront toujours en vie ( sûr que nous l’espérons) et en quel état de santé nous serons, mais ce que je sais, ce que nous savons c’est qu’au jour d’aujourd’hui,  » BIEN VIEILLIR », « RESTER EN SANTE », « PARTICIPER A LA MARCHE DU 20 octobre » est MISSION QUASI IMPOSSIBLE pour la plupart d’entre nous.
    Nous ESPERONS ARDEMMENT que LE VOLET « AIDANTS » de la « REFORME POUR l’AUTONOMIE » TANT ATTENDUE prendra largement en compte cet état de fait
    * BIEN SÛR, en permettant une VERITABLE AMELIORATION de l’ACCESSIBILITE, notamment financières  » aux services d’aides professionnelles »
    * MAIS AUSSI, EN PRENANT LES MESURES qui feront « qu’aucun aidant ne puisse pas prendre soin de sa santé pour raisons financières », à commencer par la mise en œuvre des recommandations ( suivi médical) de la Haute Autorité de Santé et CE POUR TOUS LES  » AIDANTS » .

  6. 23/08/2013 at 14:06 alphonse

    « Expliquer comment on lance une filière, comment on la construit, comment on la consolide… « ….
    dites-vous dans l’article précédent…

    On attendrait surtout de socialistes qu’ils s’évertuent à CONTRÔLER la filière de l’âge,
    que l’on n’a pas attendu un Ministère de l’Age, côté spéculateurs, pour en faire un bon FILON.
    (pour rappel, le beau site « silverlife », très très français, où se retrouve toute la crème du cac40 aux côtés des meilleurs « pouvoirs publics » organisateurs de résidences de luxe pour maximiser la croissance par l’âge…)

    Et pour commencer, en y faisant reculer la pénibilité pour le personnel soignant…au lieu de commencer à se rendre compte de la pénibilité….pour la récompenser dans les retraites!!!

  7. 23/08/2013 at 19:35 Louis

    Bon sang, mais c’est bien sûr ! Le salut par le droit de vote pour les étrangers. Dans 10 ans, on rasera gratis, ou peut s’en faut. C’est le résultat des cogitations ministérielles, à l’invitation de Flamby. Alors pourquoi s’en faire ?

  8. 24/08/2013 at 17:38 alphonse

    Laissez tomber, Louis. Tout être humain a droit à la parole là où il a son feu.(point)
    Vous en êtes encore au catho des plus grands rois de la terre, d’avant Vatican Un. Et vous étiez encore là pour négocier (!) la laïcité de 1905. Allez donc faire votre aggiornamento en Iran..!

    Mais laissez-moi attirer l’attention de notre hôte sur un grave danger: aurait-elle perdu le contact avec les réalités en quittant l’oncologie?
    A vouloir mettre des espoirs pour 2025 sur orbite trop rapidement, sans être encore sortie de l’atmosphère, vous allez griller la capsule avant de sécher l’encre!

    Etes-vous bien certaine que les voeux socialistes pour 2013, qu’on aurait pu faire imaginer à des grands dirigeants de gauche dans les années soixante, dans les années septante (faisons un peu d’Internationale!), les 80 et les nonante, ont été épuisés en réalisations? (je vous concède qu’il étaient alors au moins aussi éloignés de leurs bases)

    Pouvez-vous nous donner une idée du nombre de travailleurs morts de maladie professionnelle (limitons-nous aux « reconnues »!!!) dans les 10 dernières années,
    soit avant, soit après leur retraite (et alors après combien d’années de retraite)?
    Ne s’agirait-il pas de prémunir les jeunes générations contre n’importe quelle conditions de travail, ce à quoi on voit bien qu’on les prépare le moins?!

    J’ai passé l’été à l’hôpital (mais moi, c’est pour avoir fumé 20 ans il y a 25 ans: votre ami Valls me prescrirait sans doute la perpète!)…et deux de mes 6 voisins de chambre sont morts près de moi, de l’amiante. Et les autres ne valent pas mieux dans les prochains mois…

    Il y a tellement d’âgés qui ne deviennent jamais de vieux vieux!

    Certes, le climat où j’ai mon feu n’est pas aussi industriellement vivifiant que les forêts de mâts des ports de luxe dans la belle lumière d’Aquitaine….Il n’est même plus industriel du tout!

  9. 24/08/2013 at 20:48 elias

    Louis, arrêtez ces enfantillages du genre « Flamby ». Ce n’est pas du niveau de ce blog.

  10. 25/08/2013 at 20:23 Louis

    Excusez-moi Elias ! Je voulais dire : croûte-rouge.

  11. 25/08/2013 at 20:27 Louis

    Alphonse, à propos du droit à la parole là où on a son feu. Vous avez oublié de préciser le calibre. A Marignane, c’est du calibre 12.

  12. 26/08/2013 at 15:35 Michèle Delaunay

    J’invite chacun à se pencher sur ce qui se passe actuellement en Autriche, où les politiques de la jeunesse sont délaissées au profit de toutes celles qui bénéficient aux retraités en raison de leur poids électoral. Ceci est aussi délétère que de ne rien faire en direction des âgés sous prétexte que leur vote est défini d’avance. Un seul mot d’ordre : inclusion de toutes les générations, utilité de chacun et dialogue entre elles. La « guerre des générations » ne pourrait que précipiter le déclin de notre modèle de société.

  13. 26/08/2013 at 23:28 elias

    Michèle, votre dernier commentaire est d’une importance capitale. J’ai , en ce qui me concerne, toujours regretté que les partis politiques et les candidats à la présidentielle n’ont pas dit un mot sur le rôle des personnes âgées et la nécessité de prendre en compte et respecter ce rôle sans perdre de vue l’équilibre des générations nécessaire pour une société harmonieuse. Votre combat mérite un soutien très fort.

  14. 26/08/2013 at 23:42 Nadine Djoudi

    Merci Michèle de lancer ce débat sur le grand âge qui pose des questions bien plus larges que la seule retraite.En même temps, je me souviens d’une intervention à l’ Ecole Nationale de la Santé Publique en 2000 avec un directeur national de la CAF. Il soulignait déjà que 2020 serait un « gap », un fossé, très dur à franchir en raison de la situation démographique.

  15. 27/08/2013 at 11:16 Vieuxdegauche

    Il est vrai que les personnes âgées votent en grand nombre, à droite majoritairement.
    Mais, ce n’est pas une fatalité. Car, d’une part, les nouvelles générations (mai 1968…) sont plus progressistes et ouverts à une société qu’ils ont contribué à façonner. D’autre part, le militant que je suis ne se résout pas à attendre et voir. Si la gauche veut être à nouveau majoritaire (en 2017 et à l’avenir), cela passe par un travail de conviction, un travail politique en direction des personnes âgées. Les catholiques ont bien basculé dans les années 1970 à gauche. En particulier en Bretagne et dans le Grand Ouest de la France. A travers le mouvement associatif, médiatique et politique. La gauche peut et doit mener ce travail de conviction en direction des personnes âgées, pour gagner les élections à venir.

  16. 27/08/2013 at 15:42 Michele

    Merci à Noureddine de ce message d’espoir et de foi en l’avenir. Il est un encouragement pour nous tous à continuer et à progresser.

  17. 29/08/2013 at 16:34 Louis

    Beaucoup de catholiques qui ont basculé à gauche dans les années 70 ont aussi basculé dans la fosse. S’il n’y avait eu que les cathos pour voter Hollande en 2012 … je ne vous fais pas un dessin ?

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