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Edito de M. Jean DELEUZE, Rédacteur en Chef de la Revue du Praticien, Janvier 2015

Tabagisme : merci Mme Delaunay !

L’encre de notre éditorial de novembre, dans lequel nous nous félicitions du plan contre le tabagisme de la ministre de la Santé, était à peine sèche que déjà le mois suivant un premier recul intervenait : l’abandon de l’augmentation du prix des cigarettes au 1er janvier 2015.1 Pour comprendre comment a été adopté un amendement si contraire à l’intérêt général, il faut lire le compte-rendu des échanges surréalistes qui ont eu lieu à cette occasion à l’Assemblée.

Dans ce débat, qui peut se lire comme une mauvaise pièce de théâtre, 4 acteurs principaux interviennent : le ministre du Budget, Christian Eckert, la rapporteuse de la commission des Finances, Valérie Rabault, et les députés Razzy Hammadi et Michèle Delaunay, tous socialistes. Le ministre, qui veut geler la fiscalité du tabac, ne cache pas qu’il s’agit « d’une mesure attendue par les buralistes ». Son argumentation est simple : la contrebande frontalière augmente avec les prix – ce qui a entraîné la perte en 2014 de 170 millions d’euros de taxes et de 200 millions en 2015 – si l’augmentation a lieu… La rapporteuse, Valérie Rabault, ne se laisse pas impressionner : la commission des Finances est hostile à l’amendement car, en l’absence d’augmentation, il en résultera surtout « un manque à gagner pour l’État de 316 millions d’euros ». Elle harcèle le ministre qui botte en touche et justifie laborieusement sa position par la nécessité de construire un système fiscal appliqué au tabac plus transparent que l’actuel. Illustrant le proverbe « Qui veut tuer son chien l’accuse de la rage », il démolit le système actuel par une explication digne du père Ubu, ponctuée de « …voilà ce que j’ai à peu près compris [du système actuel]. C’est extrêmement compliqué ». À ce dialogue de sourds, se superposent les échanges Hammadi/Delaunay.

Le premier, soutien du ministre et qui avait déposé avant, avec 40 autres députés de tous horizons, un amendement visiblement inspiré par le cigarettier Philip Morris pour bloquer la fiscalité du tabac, se défend tout d’abord avec un raisonnement hallucinant : il est normal qu’il se fasse l’écho des buralistes sur ce sujet puisque, pour traiter de sujets liés à la consommation ou à l’environnement, il est en contact avec les associations de défense correspondantes ! (Que le sujet du tabac n’intéresse pas que les buralistes ne l’effleure pas) : « Aussi quand j’entends parler, à l’extérieur de l’hémicycle, de parlementaires sous influence alors que nous ne faisons que défendre nos convictions – je trouve cela proprement inacceptable ! » Le député ira jusqu’à douter de l’effet de l’augmentation des prix sur la consommation et hasardera que cela revient moins cher de prendre un vol low cost aller-retour pour acheter du tabac à l’étranger que de le faire en traversant la rue en France…En face de lui, courageuse Michèle Delaunay qui n’a pas oublié son métier de cancérologue : « Je suis le jouet d’un groupe de pression : celui des malades que j’ai soignés pendant 45 ans! » Inlassablement, elle va revenir dans la discussion pour pointer la mauvaise foi et les contradictions de ses interlocuteurs et faire ses propres propositions, toutes rejetées. Elle a été l’honneur des politiques dans ce débat. Quant à l’opposition, si on a bien compris, elle dormait,mais alors très profondément…

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